L'Héritage de la médiocrité.
Je suis assez reconnaissante à Paolini d’avoir approché, avec son œuvre, une notion qui n’est que trop dure à définir – quelque chose qui se rapproche du degré zéro de l’écriture, de la mise à plat de tous les procédés grotesques employés par l’auteur, de la fausseté trop peu démontrée de l’écriture dans la plupart des œuvres.
Paolini, lui, choisit de montrer ces procédés honteux dont usent quotidiennement les auteurs pour embellir leurs textes n’hésitant pas, de cette manière, à bannir toute originalité ou élément trop intéressant de son œuvre. Démarche courageuse et admirable s’il en est. Du coup, il me semble convenir d’étudier « L’Héritage » en trois points : l’intrigue, les personnages et le style. Trois points des plus basiques et essentiels pour un quelconque texte, auxquels Paolini semble se tenir pour démontrer sa théorie, au mépris, encore une fois, de tout autre aspect intéressant.
Le style. Je ne vais pas trop en parler, je pense dire de manière implicite plus ou moins ce que j’en pense avec les deux autres points ; le style a cette faculté incroyable d’être réduit à un minimum, qui reprend bien les structures enseignées aux enfants : sujet + verbe + complément. Le tout souligné d’un vocabulaire simpliste et d’un manque de rythme, ainsi que l’absence de tout mot suggérant une sensation ou une émotion. Paolini s’approche ainsi du degré zéro, où toutes les phrases sont neutres, avec ce talent incroyable de ne pas le dire mais seulement de le souligner par la fadeur de ses mots.
L’intrigue. L’intrigue a cette incroyable faculté, elle aussi, que de ne reposer que sur le bon vouloir de l’auteur ; Paolini enchaine les situations explicitement incohérentes et improbables où le héros ne se tire de la mort que grâce à ses interventions bienveillantes et grossières ; il nous montre ainsi, en grossissant le trait de sa critique pour la rendre burlesque, que le livre ne reste finalement qu’un objet sur lequel l’auteur possède tous les droits. Du pur génie. De cette manière, il permet de libérer l’esprit de ses héros, qui n’ont plus à se préoccuper des évènements qui se déroulent autour d’eux, puisqu’ils en sortiront grâce à l’auteur, et à se concentrer sur des questions existentielles, comme déterminer le minuscule diamètre de l’espace dans lequel sont cachés les centaines d’eldunari.
Les personnages. Un des paradoxes qui a toujours existé, au niveau de la littérature – ou de l’écriture, puisqu’on ne peut en aucun cas qualifier « L’Héritage » de littérature – et l’une des principales difficultés, également, est de créer, à partir de rien, un personnage qui paraisse être réel, et posséder sa personnalité propre. Chose que beaucoup considèrent à la limite de possible, voire vaine ; Paolini montre bien cet état des choses en nous présentant des personnages vides qui ne se distinguent les uns des autres que par leurs noms et dont la force la plus importante revient à celui qui a la plus grosse… prétention, bien sûr. Paolini supprime chez ses personnages toute trace de personnalité et de sentiments qui ne fasse pas avancer l’histoire ; il leur donne juste un petit coup de peur avec des formulations accessibles à tous, telles que : « Oh, une louche m’a effleuré, je sens ma peau qui brule, AU SECOURS ! ». Un véritable coup de génie qui prouve bien que toute tentative de création de personnage est vouée à l’échec.
Pour finir, je reste perplexe des notes attribuées ici. Pourquoi sont-elles aussi basses ? L’Héritage de la médiocrité, par son talent, mériterait bien mieux : la meilleure moyenne de Sens Critique et une place à la droite de dieu.
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