Michel Houellebecq : Il est né à la Réunion en 1956. Poète, essayiste, romancier mais aussi réalisateur, il est, depuis la fin des années 1990, l'un des auteurs contemporains français des plus connus et traduits dans le monde. Il a été révélé par les romans Extension du domaine de la lutte (1994) et, surtout par Les Particules élémentaires (1998). Avec La Carte et le Territoire, Michel Houellebecq a reçu le prix Goncourt en 2010.


Il a suivi le cursus des classes préparatoires à Paris. Il est allé à l’École nationale supérieure Louis-Lumière, école de cinéma mais en sort en 1981, sans avoir obtenu son diplôme. Il connaît ensuite une période de chômage, et un divorce qui engendre une dépression nerveuse.
Il postule pour un emploi à l’Assemblée Nationale et réussit en 1990 le concours d'adjoint administratif au service informatique. En 1996, ayant acquis l’ancienneté nécessaire et voulant se consacrer à l’écriture, il demande sa mise en disponibilité.
En 1992 Michel Houellebecq reçoit le prix Tristan-Tzara pour son recueil de poèmes, La Poursuite du bonheur (1991).
En 1998, sa description des rapports amoureux dans Les Particules élémentaires fait polémique, il est alors accusé de misogynie et d'objectivation du corps féminin.
En 2000, il s'exile en Irlande avec sa deuxième femme.
En 2010, il publie La Carte et le Territoire chez Flammarion, pour lequel il obtient le prix Goncourt.


Ses influences sont multiples,
- Bret Easton Ellis romancier américain de dystopies et d'anticipations sociales, auquel il est souvent assimilé pour son impact social, relevé notamment par la réaction scandalisée des médias.
- Flaubert, Balzac et Stendhal pour son approche descriptive et sociologique.
- Zola pour l'aspect scientifique de son analyse.
- Baudelaire, pour ses poèmes.
- Et Schopenhauer comme "maître spirituel" philosophique.


Les thèmes récurrents qu'il aborde dans son œuvre sont le travail et l'économie. Notamment le capitalisme libéral : Extension du domaine de la lutte ; Plateforme ; La Carte et le Territoire


Les critiques sont très hétérogènes : l’œuvre de Michel Houellebecq est accueillie de manières radicalement opposées. Pour certains il serait le plus grand écrivain contemporain, pour d’autres son écriture relèverait de la nullité littéraire.


La Carte et le Territoire est un ouvrage controversé. Déjà, par le titre : le dernier livre de Michel Houellebecq, porte le même titre que l'ouvrage d'un certain Michel Levy, qui accuse le Goncourt 2010 de vol.
En Août 2010, Michel Levy, inconnu de la bulle littéraire française, écrit aux éditions Flammarion. Sa requête : changer le titre du dernier livre de Michel Houellebecq. La carte et le territoire est un recueil de nouvelles dont il est l'auteur, et qu'il a auto-édité et déposé à la Bibliothèque Nationale de France en 1999. Selon le code de la propriété intellectuelle, "le titre d'une œuvre de l'esprit, dès lors qu'il présente un caractère original, est protégé comme l’œuvre elle-même". Hors, apprécier l'originalité d'un titre est délicat. Il ne s'agit pas de science exacte. Mais qu'importe : Michel Levy parle de plagiat, de vol. "Le titre est en quelque sorte l'identité d'un livre", affirme-t-il. Flammarion se défend : "l'association de deux mots du langage courant n'est absolument pas original au sens du droit d'auteur et ne peut donc recevoir de protection juridique".
En effet, il est difficile d'utiliser le mot de plagiat dans cette affaire. Il est probable que Michel Houellebecq ait eu connaissance du livre de Levy. Il est également probable qu'il s'en soit inspiré pour son propre livre. En outre, les deux livres parlent du rapport de la réalité à la représentation que s'en font les hommes.
Personnellement, je pense qu'accuser un écrivain de plagiat pour un simple titre d'un livre passé inaperçu plus de dix ans après est extrêmement facile et très dangereux. Facile parce que en fait il n'y a aucun roman qui ne s'inspire de rien, quand on écrit un livre on réécrit toujours les livres qu'on a lu, d'abord. Et puis dangereux parce qu'une telle accusation est le signe d'une malhonnêteté intellectuelle et d'une méconnaissance totale de ce qu'est la littérature au profit d'un coup de publicité.


Autre polémique : des passages du livre de Michel Houellebecq seraient tirés, de pages Wikipédia.
En septembre 2010, le journaliste Vincent Glad découvre que le roman incorpore des extraits de l'encyclopédie Wikipédia sans en mentionner la source. Sur son blog, le juriste Florent Gallaire soutient que le roman serait donc une œuvre composite et que les droits des auteurs des textes réutilisés ne seraient pas respectés. Flammarion, maison d'édition du roman, a menacé de porter plainte contre le blogueur.
Plus tard, le conseil d’administration de Wikimédia France annonce ne pas soutenir l’initiative de Florent Gallaire.
Malgré tout, face à cette double polémique, les critiques littéraires sont quasi-unanimes, le Goncourt 2010 est un chef d’œuvre.


Pour ce qui est du titre, je l'expliquerai de la manière suivante : parce que « la carte est plus intéressante que le territoire », révélation qui saute aux yeux de Jed Martin, alors qu'il a sous les yeux la photo satellite d'un coin d'Alsace et la carte Michelin de la même zone, et que le saisit la beauté de la seconde. La carte est-elle plus intéressante que le territoire, autrement dit; la représentation du réel est-elle plus passionnante que le réel lui-même? Ample, inépuisable question qui sous-tend ce roman, alors que deux figures majeures de celui-ci sont des artistes.


Alors, en fait, le roman décrit l'ascension de Jed Martin, artiste plasticien français né en 1975 d'un père architecte et d'une mère suicidée, ayant vécu son enfance au Raincy (commune relativement aisée de Seine Saint Denis) et de sa rencontre avec Michel Houellebecq. L'auteur a donc l'occasion de se décrire lui-même.
Autour de ces deux personnages, Michel Houellebecq construit un roman à l'architecture parfaitement fluide, construction dans laquelle s'inscrivent, les éléments d'un tableau du monde contemporain tel que l'auteur le voit, tel qu'il s'en moque, tel qu'il s'en désespère aussi : le règne de l'argent, de la vulgarité, du pouvoir, et des impostures médiatiques et financières en vogue...
Il y a aussi, de fait, beaucoup de Michel Houellebecq lui-même dans La Carte et le Territoire. Le roman s'offre ainsi à lire comme un autoportrait extravagant et vertigineux, insaisissable et sarcastique, duquel se dégage une sorte de mélancolie. Cette mélancolie, la voilà même devenue la tonalité dominante : à travers ce prisme, le pessimisme de Houellebecq tend vers les ténèbres. En effet le lecteur découvre peu à peu sa vie, médiocre, c'est un portrait absolument incroyable de la vacuité du monde qui l'entoure, de la misère sentimentale et de la solitude .
Un roman extrêmement méchant, extrêmement bien maîtrisé et surtout très brillant.
Parmi les personnalités présentes dans le roman nous découvrons aussi : Jean-Pierre Pernaut, Steve Jobs, Jeff Koons, Bill Gates, Damien Hirst ou encore Frédéric Beigbeder. C'est aussi une description du 13e arrondissement de Paris, de Raincy, de l’Irlande, de partout où l'histoire se déroule, description impressionnante de réalisme.
Et en dessous de toute cette histoire, toujours les mêmes questions quant à la création artistique, la représentation du réel ou encore la cruauté de l'homme.


Pour la petite anecdote, après "Expansion du domaine de la pute" le nouveau roman de Houellebecq a encore fait l'objet d'un pastiche : La Tarte et le Suppositoire...


Ce qui m'a plu dans cet ouvrage pourrait se résumer en trois points.


Premièrement, derrière cette histoire extrêmement passionnante et originale, il y a des raisonnements très profonds sur notre planète rempli à ras bord de produits manufacturés, sur l’avènement de l'argent-roi, sur la société de consommation, mais également sur la mort, la religion, Dieu, ou encore le rapport au père et le rapport à l'enfant ; cet manière qu'à Michel Houellebecq d'essayer de rendre compte du monde m'a agréablement surpris.
Ensuite, c'est aussi un formidable auto-portrait sans totalement l'être, quel que soit le masque que l'auteur prend, sous les aspects de Jed, d'un enquêteur de police, d'un chien ou bien de son propre personnage, c'est autant d'avatars que de facette de sa personnalité. La simplicité avec laquelle l'auteur décrit la banalité de la douleur sentimentale, du mal de vivre, de la mélancolie; on a l'impression d'être face à un écrivain arrivé à maturité et qui semble avoir suffisamment "compris" la vie pour accepter de lâcher prise, auteur stoïque sur l’état du monde, l’état des êtres; il dresse le bilan d’une vie, et même la fin d'une vie, JE NE VOUS DIRAIS PAS LAQUELLE qui comme beaucoup, sont sacrifiés sur l’autel de l’argent.
Et enfin, c'est une lecture plaisante, au final. On prend toujours plaisir à explorer le territoire littéraire de Houellebecq, territoire divertissant, intéressant, drôle, agréable, soigné, à la fois clairvoyant et cynique.


J'ai sélectionné deux passages du texte qui m'ont marqué :


M. Houellebecq-personnage parle de la presse : "Comment est-ce que vous voudriez rencontrer quelqu'un qui travaille pour Marianne ou Le Parisien sans être pris d'une envie de dégueuler immédiate? La presse est quand même d'une stupidité et d'un conformisme insupportables.Vous savez, ce sont les journalistes qui m'ont fait la réputation d'un ivrogne: ce qui est curieux, c'est qu'aucun d'entre eux n'a jamais réalisé que si je buvais beaucoup en leur présence, c'était uniquement pour pouvoir les supporter."


M. Houellebecq-personnage parle d'un chien castré : "Ce pauvre petit chien non seulement n’aurait pas de descendance, mais ne connaîtrait aucune pulsion, ni aucune satisfaction sexuelle. Il serait un chien diminué, incapable de transmettre la vie, coupé de l’appel élémentaire de la race, limité dans le temps – de manière définitive."


Ouvrage incroyable.

Septimus_Ars
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le 15 déc. 2013

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Septimus_Ars

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