Parlant de Lunar Park, son auteur, le romancier américain Brett Easton Ellis qui s'y mettait en scène (il en était le personnage principal) disait Je ne veux pas avoir à clarifier ce qui est autobiographique et ce qui l'est moins. Au lecteur de décider ce qui a bien eu lieu.
Michel Houellebecq aurait pu dire la même chose pour La carte et le territoire.
Si le 'héros' de ce roman est l'artiste contemporain Jed Martin, Houellebecq est omniprésent.
- Physiquement, Houellebecq est un personnage du livre, un personnage misanthrope, réfugié avec son chien dans sa maison d'Irlande.
- Au travers de Jed Martin, l'artiste, notamment dans les rapports de celui-ci avec son père, son approche de l'art contemporain, de la ruralité, de la place de l'homme dans le monde moderne (des thèmes transversaux dans l'œuvre de Houellebecq). Également au travers d'un second personnage : le vieillissant commissaire Jasselin.
- Dans toutes les apartés au récit, pensées brèves ou profondes sur la vie, la mort, l'art, les régions, la paternité il n'aimait pas les enfants s'il voulait bien y réfléchir, il n'aimait pas leur égoïsme naturel et systématique, leur méconnaissance originelle de la loi, leur immoralité foncière qui obligeait à une éducation épuisant et presque toujours infructueuse. Non, les enfants, en tout cas les enfants humains, il ne les aimait pas, les chiens Le chien est une sorte d'enfant définitif, plus docile et plus doux, un enfant qui se serait immobilisé à l'âge de raison, mais c'est de plus un enfant auquel on va survivre:accepter d'aimer un chien, c'est accepter d'aimer un être qui va inéluctablement vous être arraché.

Bref, on peut dire que le personnage central de ce roman, c'en est l'auteur...mais qu'il faut se méfier des faux semblants!
C'est d'ailleurs l'une des phases réjouissantes de ce livre, démêler le vrai de l'affabulé. Houellebecq est-il tel qu'il se représente?

Il y a aussi cette passionnante réflexion sur l'art contemporain en général, le retour au figuratif et la représentation de la société consumériste par l'artiste...c'est très bien vu, intelligible et, çà tombe bien, c'est le domaine de l'art contemporain que je préfère. Les digressions sur l'art m'ont notamment rappelé la magnifique série de 44 toiles que le peintre Jean-Frédéric Schnyder a consacré aux salles d'attentes des gares suisses. Ou les toiles où l'américain Charles Sheeler représente des sites industriels...

Et puis, enfin, il y a des analogies très fortes avec 'Lunar Park' de Brett Easton Ellis. Ces deux romans marquent une rupture avec l'œuvre de leurs auteurs : ils s'y mettent en scène, s'y livrent un peu plus directement, se révèlent. Et il y a aussi des analogies entre les auteurs, qui sont tous les deux des phénomènes littéraires internationaux et qui se partagent un sujet central : l'homme dans son siècle, le mal de vivre, l'ennui, la vacuité, la perte de repères.
Il faut lire ces deux livres en parallèle.
rivax
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le 12 janv. 2011

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rivax

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