faillite d'un couple

Roman lu juste après le court récit l'Occupation d'Annie Ernaux dont la phrase "Le plus extraordinaire dans la jalousie c'est de peupler une ville, le monde, d'un être qu'on peut ne jamais avoir rencontré" m'avait marqué, je m'attendais à retrouver le même genre d'histoire avec la Femme de Gilles c'est-à-dire une femme délaissée qui enrage de jalousie face à son mari volage.

On a peu ou proue la même histoire mais avec un personnage totalement différent. En effet Elisa, la femme de Gilles est un personnage très pur, dostoievskien. Elle vit un bel amour avec Gilles mais celui-ci finit par la délaisser pour la soeur d'Elisa, Victorine (une belle garce, c'est l'autrice qui le dit).

On assiste à une soumission totale d'Elisa à son mari. Avant que ne commence l'adultère, elle est déjà complètement vouée à Gilles entretenant sa maison avec zèle et l'entretenant lui quand il rentre de l'usine allant jusqu'à oublier son propre plaisir et désir sexuel.

L'emprise de la "garce" est fascinant tant il pénètre le lecteur et ce dès le troisième chapitre quand Gilles reparaît avec Victorine la première fois dans la maison d'Elisa et que nous, lecteurs, savons déjà avec un haut-le-coeur ce qui est en train de se produire. On est totalement happé par la candeur d'Elisa qui comprend très vite ce qui se passe mais qui ne chargera personne de tout le récit, plongeant lentement vers son aliénation. Cette candeur s'échappera très vite comme si la réalité rattrapait Elisa qui rattrape le lecteur qui sait déjà tout.

Tout est abordé : le déni, l'orgeuil de l'appartenance, l'enlèvement amoureux de l'être aimé qui est psychologique mais aussi physique ; il n'est plus là ! Cela trouve son paroxysme quand Gilles se bat avec un autre homme dans un bar pour Victorine et que celui-ci, une fois qu'il se confie ouvertement sur cet adultère à une Elisa la main sur le coeur va finir par partager cette douleur avec elle. Et nous lecteurs souffrons aussi, c'est très pénible à lire par endroit, c'est viscéral, cela m'a fait un peu le même effet qu'Anatomie d'une chute sur ce point là.

Certes quelque écueils. Sans faire de misérabilisme, le texte en fait quelque fois trop mais je pense que c'est pour le coup très personnels et que d'autres peuvent aimer. Cela participe au climat claustrophobique du récit.

Malgré la noirceur du récit, la morale un peu facile à dire c'est que dans un couple l'honnêteté est trop importante et que ces deux personnages en ont tout simplement manqué.