Il ne faut pas s'y tromper : si Thackeray, par modestie sans doute, compare son roman à un spectacle de marionnettes, ses personnages sont loin de manquer d'épaisseur. Ils ne suivent après tout que leur propre passion, leur propre vanité, mais en plus de 1 000 pages, on a le temps de les voir évoluer, prendre corps, s'effacer parfois, de les examiner sous toutes les coutures, et bien souvent, de voir que leurs traits de caractère peuvent autant les servir que les desservir.
De même, s'il s'agit bien d'un roman moral, c'est au sens noble du terme. Prenons Rebecca, parvenue, apparemment dépourvue de tout sentiment, mais d'une intelligence et d'un talent rare, mais sans perspective d'avenir de par sa naissance. Et surtout, sans elle, que les deux personnages honnêtes de l'histoire - Amélia, l'oie blanche, et Dobbin son chevalier servant - deviendraient-ils ? Etre doux et patient, en ce monde, n'est pas non plus la clé du bonheur. A chacun de choisir à qui il veut ressembler, probablement à personne.
On pourrait aussi presque - ne serait-ce quelques phrases quelque peu datées - y voir un roman féministe avant l'heure. Outre Rebecca, pensons à Dobbin, qui semble n'avoir aucun des attributs traditionnels de la virilité, ce qui ne l'empêche pas d'avoir un grand courage physique, et moral... jusqu'à un certain point.
Il y a enfin un dernier aspect qui correspond parfaitement au spectacle de marionnettes annoncé : le style de Thackeray, qui nous fait complice de son histoire d'une façon légère et drôle, qui garde une fraîcheur et un humour assez XVIIIe siècle à son roman bourgeois. Entre Diderot et Stendhal donc, voici ce qui me semble être un grand roman, accessible et beau, qui vous divertira autant qu'il vous permettra de vous instruire.
corumjhaelen
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le 26 sept. 2014

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