Je n'ai pas dépassé les 150 premières pages sur les 900 finales et je suis déjà en train d'écrire une critique pour descendre l'oeuvre par une note bien sévère.


On me dira : "mais c'est nul de critiquer quand on n'est pas allé au bout d'une oeuvre".
Et je répondrai : "la prochaine fois que tu mangeras un plat à base de boyaux d'orignal faisandés et marinés dans du prémâché de panse de vache, tu repenseras à ta phrase, tu finiras ton plat immonde sans vomir, et après seulement je te présenterais mes excuses".


Alors autant l'argument "ce n'est pas du Franck Herbert" me semble inutile - car dans les faits, non ce n'est pas lui, c'est bien Brian son fils et Kevin, un copain à lui, ça on le sait dès la 1e page - autant je ne peux qu'être d'accord avec les détracteurs desdits Brian et Kevin. Non, ne vous méprenez pas, cela n'a rien à voir avec leurs prénoms. On peut être à la fois différent de son modèle et bon dans ce qu'on fait. Brian et Kevin sont certes différents du modèle Franck Herbert, mais ils sont surtout mauvais, très mauvais. Oui, je clashe direct.


C'est simple : j'ai rarement lu une écriture aussi inconsistante. Pas de psychologie, pas de subtilité, pas de profondeur, juste un récit où les mots se suivent grossièrement, vidés de leurs sens par une platitude qui frise parfois la crétinerie et enrobé d'un manichéisme que je ne croyais même plus exister depuis 30 ans. Les intrigues, les actes, les situations, les pensées, les relations entre personnages, bref... absolument tout est évoqué avec lourdeur, froideur, détachement. Pas la moindre once d'habilité dans l'écriture, on tombe parfois même dans l'absurde. Vous l'aurez compris : aucun moyen pour moi de m'identifier à ce récit.


J'avais été assez dur avec Passegué pour son oeuvre Le Nouveau Monde car elle était d'une pauvreté étonnante. Il faisait notamment l'erreur régulière de dire (ce qui se produit) sans rien montrer (comment ça se produit) au moment où il aurait fallu. Avoir une bonne histoire c'est bien, mais savoir la raconter c'est pas juste mieux, c'est indispensable, tout bon blagueur qui se respecte vous le confirmera. A ce petit jeu, BH et KJA surclassent littéralement Passegué. En fait c'est simple : presque tout est dit sans que rien ne soit jamais montrer, tout est énoncé sans rien raconter. Ici, la capacité d'évocation du texte frôle le zéro absolu.


Tout ça me rappelle ce texte que j'avais moi-même écrit quand j'avais à peu près 20 ans. Ce travail était juste un petit délire personnel, mais à ce moment pour moi le résultat était parlant car sans m'en rendre compte, je bouchais les nombreux trous de mon récit par les idées déjà présentes en tête, ce qui est impossible pour un autre lecteur. Ce texte a fini par être oublié jusqu'à ce que je le retrouve des années plus tard, perdu sur un vieux disque dur. Je l'ai alors relu avec un sourire au lèvres face à ma propre naïveté. Je disais des choses, je ne montrais rien. Comment avais-je pu croire qu'un tel texte pourrait servir à quelque chose ? A l'époque, j'étais jeune et j'avais lu peu de livres, tout simplement. Une fois relu cet essai, j'ai simplement cliqué sur Corbeille.


Ce texte de ma jeunesse, je le retrouve presque parfaitement dans le chapitre d'introduction de la genèse de Dune, raconté par le personnage d'Irulan : on aborde des grandes phases du début des machines et des cimeks en quelques pages seulement, en succession de paragraphes, en liste d'éléments sensés imprégner le lecteur de la situation. On suppose alors que la vraie histoire va commencer, qu'on va s'immerger, mais non, le drame ne fait que commencer.


Problème : vous n'avez pas lu le texte que j'avais écrit étant adolescent, donc ma comparaison est incomplète. Il faut m'y prendre autrement pour faire passer mon message....


Je serais tenté de comparer ce récit à un JT de 20h, avec une suite de titres qui s'enchaînent mécaniquement, avec le fameux "sans transmission" de PPDA aux Guignols. Mais en fait non, cette comparaison ne convient pas non plus, puisque les Guignols et les vrais JT savent évoquer ou provoquer des émotions.


Finalement, je crois qu'en termes de pouvoirs évocateurs, de capacité à émouvoir, à imprégner le lecteur et le rendre sien, ce texte est comparable aux recommandations du conseil municipal de Brest sur l'entretien de la voirie de l'agglomération sur les 10 prochaines années, ou qu'un rapport annuel sur l'activité des associations culturelles se rapportant aux jeux de cartes dans le Bas-Rhin. Certains Brestois ou Strasbourgeois peuvent trouver cela intéressant, mais pour la majorité des gens... on a juste mieux à faire que lire ces rapports.


Je vais me faire un plaisir d'illustrer mes propos par quelques extraits tirées des premiers chapitres.


1e extrait :



Les machines pensantes s'inquiétaient peu de l'esthétisme, mais le nouveau vaisseau d'Omnius était - par hasard ou à dessein - un bâtiment effilé magnifique, noir et argent.



Notez d'abord que les machines sont considérées comme nécessairement imperméables à ce qui est beau ou laid. Une machine c'est logique, point barre, y'a rien d'autre à rajouter (et c'est dit à de multiples reprises dans le texte). +10 pour le manichéisme. Mais le big boss Omnius quant à lui a un superbe vaisseau. Au passage, je trouve plus joli d'écrire "un bâtiment magnifiquement effilé" que "un bâtiment effilé magnifique" mais bon, ça ne regarde que moi.


En revanche : pourquoi le vaisseau du boss est-il beau, alors que le boss est lui-aussi une machine ? Et bien la réponse est là devant vos yeux, dans le texte : par hasard ou à dessein. Voilà, c'est tout. Pensez-vous que le hasard ou le dessein changerait tout du sens global de cette phrase ? Pour ma part, j'ai bien l'impression que oui : si le vaisseau du boss est beau à dessein, c'est que les machines, du moins leur boss, intègrent d'une certaine manière la notion de beauté; s'il est beau par hasard, cela revient à dire que cette notion est purement humaine, ce qui est peu ou prou l'inverse de la première hypothèse. Et dans une guerre entre les humains et les machines, j'ose imaginer que ce genre de détails pourrait avoir une certaine forme d'importance, non ? Et bien non, nous disent les auteurs, qui vous invitent gentiment à vous débrouiller avec ce malentendu bizarroïde pour comprendre le sens de la phrase, ou peut-être son ab-sens. Une intrigue en cours dé développement, dites-vous ? Possible, vu que je n'ai pas lu la fin. Mais en ce cas, inutile de forcer le trait sur le hasard ou dessein, il suffisait de dire que le vaisseau d'Omnius était beau sans parler de l'insensibilité des autres machines à cette notion. A force de répéter cela de différentes manières, le lecteur aurait fini par comprendre naturellement que c'est un point névralgique de l'intrigue.


2e extrait :



Xavier ne pensait pas à tous ces collègues morts, car il avait plus urgent à faire, il devait tenir la défense de la ville.



Puis trois paragraphes plus loin, alors que le sujet s'est plus ou moins écarté des émotions du personnage...



Xavier ne pu s'empêcher de penser à tous ces collègues morts au combat.



Incohérence, semble-t-il. Bon en vrai, on comprend que le fameux Xavier a grave les boules et qu’émotionnellement c'est pas la forme : la moitié de la ville s'est faite rasée. Ce qui est dommage, c'est que les auteurs séparent ces deux phrases dans deux paragraphes différents, en prenant le risque de laisser le lecteur penser à une incohérence sur le comportement du personnage. Ca me semble pourtant pas compliqué d'arranger ces deux phrases ensemble, dans un même paragraphe, de manière à faire ressortir l'instabilité émotionnelle du personnage, peut-être pour... heu, je sais pas moi... que le personnage vive ? Histoire de nous immerger un peu ? Là, c'est juste mort. Aucun effet d'implication face à ce revirement de sensation.


3e extrait :



Malgré la douleur, après la fin de l'attaque, l'humanité libre avait repris des forces.



Heu, pardonnez-moi mais... C'est quoi une humanité qui reprend des forces ?


Elle mange un bol de Chocapic en se levant de bon matin ? Après un petit bombardement, un Mars et ça repart ? "l'humanité reprend des forces", c'est quoi ? Des familles qui se réunissent ? Des immeubles qui se reconstruisent ? Des échanges commerciaux qui refleurissent ? Des accords militaires qui s'établissent ? Des espoirs qui renaissent ? De nouveaux idéaux qui émergent ? Quelle est le degré, l'implication pour une "humanité libre" ? Cette phrase veut dire quoi, bordel de merde ?


Mon dieu, c'est affligeant pour non pas un mais deux auteurs d'en arriver à un tel degré de nullité, d'inconsistance, de flemmardise. Ils jouent aux maillons faibles pendant leur travail d'écriture, les gars ?


Post-Edit : j'en suis à plus de 200 pages... j'ai pas encore eu le temps d'aller acheter d'autres livres à lire dans le tramway, donc je continue à lire ce machin non-pensant, à défaut de comprendre les machines pensantes... Et j'avais parlé d'absurde, alors en en voilà une belle.


4e extrait, à propos d'esclaves humains qui construisent des statues gigantesques de machines cimeks pour leurs propres gloires, cimeks qui au passage sont eux-mêmes esclaves du boss Omnius (bravo la gloire d'être entre le marteau et l'enclume, m'enfin bon l'auteur lui aussi confirme la futilité de la chose par le biais d'un des personnages donc visiblement il en a conscience) :



Tous ces chantiers occupaient à plein temps les esclaves en leur donnant l'occasion de voir le résultat de leur pénible travail avant de mourir.



Visiblement ces esclaves peuvent voir le résultat de leur travail, ce qui sous-entend que ça pourrait ne pas être le cas. Donc je vous le demande : comment un esclave pourrait-il ne pas voir le résultat son travail ? Quelle sortes de tâches, de missions ou d'objectifs pourrait-on lui donner pour qu'il fasse un brown-out ? Un taf dans un bureau peut-être ? J'essais d'imaginer, mais désolé je ne vois rien. Ou alors ... lui donner une tâche qui justement n'a aucune sens pour le pousser au brown-out ? N'est-ce pas là de l'absurdité complète ? Vous prendriez des esclaves juste pour les faire travailler, sans que ça vous rapporte rien pour simplement "leur donner l'occasion" de voir votre sadisme (qu'en tant que machine vous n'êtes pas sensé avoir). C'est déjà difficile à admettre si vous êtes humain et que ça vous apporte quelques chose, mais là ??....


Et du coup pourquoi ? A l'heure où les machines peuvent s'occuper d'absolument toutes les tâches complexes (pour rappel, ils ont créé leur propre civilisation et sont en train de remiser l'humanité au banc de la préhistoire, d'où le titre du livre), pourquoi utilise-t-on de la main d'oeuvre humaine, coûteuse et faillible, pour porter des blocs de pierre comme au temps des pharaons ? Une grue pour soulever les blocs, avec une IA dans la grue, c'est pas plus simple ? BH et KJA ont-ils vraiment compris les problèmes que posaient notre société sur-industrialisée à l'emploi et à la valeur du travail humain ?


Les réponses que fournissent les auteurs aux questions du Pourquoi et du Comment sont si tenues, si inconsistantes pour moi qu'elles me semblent totalement dénuées de sens.


5e extrait, parce que oui j'aime ça :



Xavier et Serena arboraient les tenues qui convenaient à un officier de haut rang et à une fille de Vice-Roi.



Ben là, pareil qu'au début hein : débrouillez-vous avec ça pour vous imaginer le couple de l'année faisant la montée des marches à Cannes. Non mais vraiment, imaginez la scène décrite par un commentateur dans Red Is Dead des Nuls : "Alooooors queeee revoooooilàààà Madaaaaame la souuuus-préfèèèèète... habilléééée... oui haaaabiiiilléééée point." En tirant bien sur chaque mot parce qu'en fait y'a rien à dire. La couleur de l'uniforme de Mr ? La hauteur de la fente de la robe de Mme ? La casquette de Mr ? Le chapeau de Mme ? Pfffff vous posez trop de questions ! Mais, en même temps, si on s'en fout de leur tenue... pourquoi les auteurs en parlent ?


Non mais vraiment, trop de questions tue la question : pourquoi ce livre, tout simplement ?


Pour les sous, ha oui, pardon.

Oatagaok
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le 16 avr. 2019

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Oatagaok

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