J'ai fait le sacrifice de ma vie. Ma vocation est de détruire.

Jacqueline Massabki, avocate et journaliste libanaise, nous transporte au Levant, où l'histoire prend vie à travers les yeux de François le Bruel, un ressortissant Français qui, après la Première Guerre mondiale, choisit de s'expatrier au Liban, et tombe éperdument amoureux du pays. Féru d’histoire, il porte un regard éclairé et compatissant sur cette Nation complexe traversée par des problèmes qui semblent irrésolubles. Au-delà d’une région magnifique et multiculturelle, c’est aussi d’une femme dont il s’éprend: Marthe Nader. De leur amour naissent quatre enfants, qui s’unissent à des ressortissants de religions différentes: chrétien, musulman, juive et protestante. Ces unions, bien que pleines de promesses, se retrouveront malheureusement au cœur des troubles lorsque la guerre civile éclatera en 1976. La force des liens familiaux se heurte alors à la réalité déchirante de la guerre, et la fraternité entre les enfants se voit confrontée aux divisions religieuses du pays. Chacun sera entraîné dans des groupes opposés, pris dans les tourmentes d'un conflit incompréhensible.


Affectionnant énormément les fresques familiales, j’ai beaucoup aimé l’idée d'explorer la guerre civile à travers le point de vue d'une famille fracturée, qui offre un regard unique sur cette période troublée de l'histoire. Ainsi, l’autrice illustre comment des êtres unis par l'amour et les liens du sang peuvent être séparés par les différences religieuses, devenant les protagonistes d’une tragédie nationale. Cette dimension humaine offre au lecteur une réflexion sur la façon dont une guerre civile peut se déclencher, et avoir des conséquences même au sein de la cellule première qu’est la famille: si des êtres aussi proches sont prêts à se haïr à cause des différences religieuses, il semble d'autant plus facile de mépriser des inconnus pour ces mêmes raisons.


Cependant, malgré le potentiel, j'ai été légèrement déçue de ne pas plonger davantage dans la vie intérieure des différents enfants et petits-enfants de François, car l'histoire demeure principalement centrée sur le point de vue de ce dernier ; un choix narratif qui a malheureusement limité la profondeur et l'exploration de certains personnages.


Celui de Marthe a attiré mon attention dès le début, mais j'ai été frustrée de voir son rôle s'estomper après la phase initiale de la conquête amoureuse. Les interactions entre François et Marthe se font rares, et leur relation manque de substance et d'authenticité. Les secrets qu'il lui cache contribuent également à créer une distance émotionnelle entre eux.


Dans un subtil mélange de passion et d'amour qui transcende les frontières religieuses et politiques, "La Mémoire des Cèdres" de Jacqueline Massabki s'élève au-delà de ses quelques longueurs initiales pour nous offrir une œuvre unique et poétique: “Des passions, des amours - qui ignorent la religions et les camps -, cent personnages de tout bord, des femmes admirables, une guerre absurde ; la beauté du ciel, de la terre et de la mer”.

Sashenkaa
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le 3 août 2023

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Sashenka .

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