De la question de la condition des femmes

Alors qu’elle est encore enfant, celle qui n’a pas encore décidé de se rebaptiser Gabrielle a reçu une montre d’un inconnu qui n’est autre que le grand Arthur Rimbaud. Dans ces Ardennes de la fin du XIXe siècle, la vie n’est pas facile quand on est gens de peu. Ses parents se partagent entre une épouse soumise et un père qu’un éclat d’obus de la guerre contre les Prussiens qui s’est logé dans son crâne rend parfois colérique à l’extrême. Gabrielle a bien sa jeune sœur, Henriette, et quelques amis dont cet étrange garçon qui a pour manie de bercer dans le vol. Mais cela lui suffit-elle alors qu’elle entre dans l’âge où on regarde les garçons d’une autre façon ?

Lorsqu’un jeune officier se rend dans son village pour choisir des chevaux pour son régiment, Gabrielle connaît l’émoi de l’amour naissant. Voulant revoir le mystérieux jeune homme elle va se mettre en danger et une mauvaise rencontre va l’amener à subir l’outrage ultime et à porter en son ventre le fruit de cette violence. Sa vie est-elle perdue pour autant alors qu’un XXe siècle plein de promesses se profile à l’horizon ? Elle ne sait pas encore que la vie d’une femme était, est et sera toujours un combat.

Ce roman est celui des femmes qui subissent ce monde d’hommes. Même si le progrès technique, les idées émancipatrices, les vents de liberté s’en mêlent parfois, elles restent toujours à la traîne de nos sociétés qui les maltraitent. C’est tout le sens ce récit où la déterminée Gabrielle est ramenée à son statut, où ses rêves sont contrariés par sa nature même.

L’écriture de Brice Tarvel restitue avec talent la vie et les mœurs de ces temps pas si anciens. En cette période entre deux siècles éprouvants, le clergé n’a pas encore été remis à sa place, même s’il aboie encore de temps à autre de nos jours, oubliant que sa niche n’est pas celle à laquelle l’humanité est condamnée. Il décrit aussi avec un réalisme troublant la nature qui restera toujours immuable.

Cette belle romance pleine d’épreuves et de doutes, de résignations et de luttes est un récit où le lecteur se laisse porter avec plaisir. Il est certes cette conclusion trop angélique à mon goût, qui ne saurait refléter la réalité d’alors, mais l’ensemble est plaisant et nous fait voyager à la veille d’un siècle nouveau qui va changer bien des paradigmes.