L’étoile filante d’un style sans cap
Premier roman virtuose sur le plan stylistique, La Place de l’étoile se noie pourtant dans une érudition bavarde et une provocation qui sonne creux. En multipliant les références historiques et littéraires, Modiano sacrifie la profondeur narrative au profit d’un collage cynique, où l’obsession identitaire tourne rapidement à vide.
Le personnage de Raphaël Schlemilovitch, juif collabo, fantasme dandy et caricature d’antisémite intériorisé, reste une figure fuyante, plus prétexte à un exercice de style qu’objet d’une véritable exploration psychologique. L’écriture, foisonnante et souvent brillante, masque mal l’absence de tension romanesque : ce déballage d’ironie noire, saturé d’allusions, laisse à distance, comme écrasé par le clinquant d’un jeune auteur trop conscient de sa propre intelligence.
Sous couvert de subversion, Modiano frôle parfois la complaisance dans la représentation du mal, et la dimension satirique, mal dosée, perd en acuité ce qu’elle gagne en provocation. La Place de l’étoile impressionne mais n’émeut guère : un exercice brillant mais vain.
Malgré une indéniable virtuosité formelle et une ambition littéraire manifeste, le roman pâtit d’un excès de maniérisme, d’un manque de souffle narratif et d’une ironie trop froide pour véritablement toucher.