L’œuvre de l’auteur français Bernard Werber m’a régulièrement été suggérée par des camarades de classe durant ma licence, plus précisément la trilogie des Fourmis ainsi que ses pentalogies. Pour autant, malgré l’achat de cette trilogie, je n’avais jamais pris le temps de m’y attaquer avant cette période de confinement qui permet tout de même largement d’avancer dans nos PAL.


Tout juste sortie de la lecture du troisième tome, La Révolution des fourmis, je ressens l’envie de clamer haut et fort que cette grande œuvre est vitale pour acquérir une nouvelle vision du monde, mais surtout une nouvelle vision de l’humanité.



ATTENTION SPOILER !



Cette trilogie prend le temps de développer un univers magique et de nombreux personnages colorés et touchants à souhait. Le personnage principal qui traverse les trois tomes se trouve être 103 683e, une fourmi qui connaît au fur et à mesure de son aventure un sentiment d’individualité, un sentiment de peur, une énorme curiosité ainsi qu’une volonté de coopération et d’évolution. Elle suit le chemin tracé par Edmond Wells avec les autres personnages humains : le Contact, la Confrontation et la Coopération.


La Coopération est d’ailleurs représentée par ce troisième et dernier tome, où 103e, devenue sexuée, lance une révolution dans le monde des fourmis, en apportant notamment le feu et l’art. Cette révolution est menée parallèlement par un groupe de lycéens, mené par Julie, avec pour ligne directrice le troisième volume de l’Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu. Ces deux révolutions qui ne concernent d’abord qu’un cercle réduit d’individus prennent alors de l’ampleur tout au long de l’œuvre pour finir par se confronter afin de créer une coopération entre les deux espèces. Cette rencontre sera pourtant mise à mal d’un côté par les cités myrmécéennes, de l’autre par la Société humaine, représentée par les forces de l’ordre, redoutant l’évolution et le changement.


Le personnage de Julie est très intéressant pour ma part puisqu’elle connaît une évolution personnelle à travers son corps. En effet, cette jeune fille a au début du roman un rapport très conflictuel avec son corps et sa féminité. Elle rejette la nourriture et souhaite à tout prix se cacher. Sa manie de saluer une partie de son corps quand il se manifeste est une première évolution puisqu’elle rencontre petit à petit son moi physique. À travers le rapport à l’autre, l’amour de l’autre, la béatitude de la collectivité, Julie prend de plus en plus confiance en elle. Son esprit vagabonde vers la Révolution qu’elle met en place plutôt que vers son rejet du contact physique. Son corps se réveille peu à peu grâce à l’esprit, libérant le premier signe du réveil du corps féminin : les règles. Julie rencontre alors cette nouvelle féminité. Elle entre véritablement dans son âge adolescent, et ressent les impulsions qui l’accompagnent. Sans aller jusqu’à l’acte sexuel, elle se dirige vers l’âge adulte de sa conscience physique en effectuant une Communication Absolue avec David qui représente la connexion ultime entre deux êtres tant par le corps que l’esprit.


La vieille fourmi 103e effectue une démarche similaire à celle de Julie. Devant arriver vivante à la cité de Bel-o-Kan afin de partager ses découvertes et prévenir ses sœurs d’un grand danger, 103e se trouve dans l’obligation de se rendre dans une ruche afin de se procurer de la gelée royale et donc un sexe. Elle gagne ainsi plusieurs années de vie. Pour l’acquérir, elle doit convaincre la reine des abeilles de la nécessité de cette démarche. La vieille fourmi tente d’abord de justifier cette requête par ses spécificités qui doivent être transmise à ses enfants. Elle finit pour autant par mériter cette gelée royale en tuant un scorpion qui s’approchait de la ruche, grâce à ses nouvelles connaissances « doigtesques ». 103e devient alors une princesse, elle acquière une sexualité, se dotant d’ailes et de sens décuplés. Elle retrouvera plus tard 24e, une fourmi faisant partie de la croisade du deuxième tome de la trilogie. Celle-ci s’est entre-temps procuré un sexe masculin, ce qui fait d’elle Prince 24e. Ainsi, à la fin du roman, coincés dans l’aquarium en attendant leur jugement par les Doigts, conscients qu’ils allaient mourir, ils effectuent un accouplement dans les airs et 103e s’accomplit alors en Reine, et 24e meurt de cet acte.


Ce rapport avec le corps est pour moi très important dans une trilogie qui veut traiter de l’Humanité, car elle montre par là un individu se découvrant, lui permettant alors de découvrir l’autre. On comprend l’autre en commençant par se comprendre soi-même.


La compréhension de soi passe alors par le corps mais aussi par l’esprit, pour découvrir sa personnalité, sa spécificité. A chacun de chercher au plus profond de soi, à travers les réflexions menées dans l’Encyclopédie par Edmond Wells. C’est dans le contexte de la Révolution des fourmis que les 8 adolescents, jusqu’ici étudiants et musiciens, deviennent de vrais inventeurs, de vrais créateurs, se trouvant chacun une spécificité, que ce soit dans l’informatique, dans la mode, dans la cuisine etc. Quant aux fourmis, en apprenant des choses sur les Doigts à travers les discours de 103e, certaines se découvrent un goût pour le dessin, d’autres pour la littérature, ou encore pour la création de machines.


Le procès de la fin du roman qui clôt donc également l’histoire de tous les personnages principaux en un même endroit est plutôt étonnant : j’ai trouvé certains passages plutôt maladroits, mais d’autres sont intelligemment amenés par Bernard Werber. Certains dialogues nous amènent à douter même de l’intelligence humaine. Sommes-nous légitimes à la place que nous nous donnons sur Terre ? Sûrement que non pour ma part. Pour autant, l’auteur ne veut pas nous rendre pleinement pessimistes. Nous avons l’exemple du personnage de Laetitia Wells, unique fille d’Edmond, qui détestait au début du deuxième tome l’espèce humaine, mais qui a appris à voir l’Humanité avec ses nuances, à en apprécier certains côtés. Dans le roman, nous nous attachons particulièrement aux personnages qui tentent de communiquer et de créer une relation de paix avec les fourmis : ils représentent cet espoir. Nous devons réfléchir autrement pour créer un monde meilleur.


La fin de la trilogie ne se clôt pas sur 103e (dont nous n’avons pas de nouvelles à part qu’elle a été déposée dans la forêt de Fontainebleau) ou sur Julie (que l’on retrouve dans l’avant-dernier chapitre) mais sur une jeune fourmi nommée 5e qui découvre avec 10e la marche dans la neige et qui tente de marcher sur ses deux pattes arrières, comme les Doigts. Comme Edmond Wells le disait dans la dernière page du dernier volume de son Encyclopédie, « la grande aventure est devant nous, non derrière », la trilogie des fourmis se termine sur une fourmi de la nouvelle génération, cette dernière étant porteuse de nouveautés et de révolutions, éclairée par « une braise dans un lampion ».

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le 14 mai 2020

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