Honnêtement, je peine à comprendre quel mouche a piqué l'auteur lors de la rédaction du récit. La saga du Sorceleur, que je connaissais comme beaucoup de quidams occidentaux grâce aux jeux vidéos, n'avait nul besoin d'un roman supplémentaire. Déjà constitué de deux corrects recueils de nouvelle et d'une bonne série de cinq romans, les jeux vidéos renouvelaient magnifiquement la Fantasy sous forme d'un jeu de rôle magnifiquement écrit. Hélas, il semblerait que l'appât du gain, ou tout du moins une volonté de se remémorer cette tendre décennie que furent les années 1990, ait impulsé Sapkowski à tenter une histoire supplémentaire.


D'emblée, la quatrième de couverture est peu inspirante : comment élaborer une histoire sérieuse autour d'une intrigue aussi simpliste que "On a volé les épées de Géralt !" À cette question rhétorique figure une réponse simple : l'auteur lui-même semble s'être autoparodié. Exit les grandes aventures, les complots politiques, les drames sociaux. Place à une critique peu subtile de la misogynie et des lois anti-avortement, aux soldates qui pètent en mangeant du paprika, à une parodie de procès et à Geralt qui finit, une fois encore, dans le lit d'une magicienne rousse.


La saga principale accusait déjà certains défauts : dialogues trop longs, changements abusifs de points de vue, entre autres. Mais ici, tous les aspects positifs semblent gâchés par des idées douteuses, en particulier lors du début et de la fin. En vérité, la quatrième de couverture contribue à cette idée d'histoire confuse qui m'a semblé poussive de bout en bout : on évoque Jaskier, qui devient dans ce tome une parodie de lui-même et on évoque un nain dénommé Addario qui apparaît à peine. Puis, le livre s'ouvre, les pages défilent, mais la magie ne m'a jamais happé, je ne me suis pas retrouvé immergé dans cet univers certes imparfait, et pourtant loin d'être dénué de charme. Pour cause, le roman ne semble pas lui-même savoir où il se dirige, en ouvrant des pistes résolues hasardeusement. Dans un même roman, on nous expose les manigances d'une magicienne bourgeoise, belle et hautaine prénommée Lytta, les déboires de son apprentie, mais on a aussi des femmes renardes, quelques Nains, quelques tempêtes, quelques combats et une apparition de Yennefer. Des péripéties oubliables qui aboutissent à un dénouement simpliste. Pour couronner le tout, Sapkowki s'amuse à utiliser les Signes comme facilités scénaristiques alors que, de mémoire, ils n'avaient jamais été évoqués lors de sa saga principale.


Un autre problème gangrène le récit, et j'ignore s'il faut l'imputer à l'auteur ou à la traductrice, mais le style manque cruellement de charme. Loin d'être mon préféré de base, celui-ci enchaîne des tournures souvent maladroites avec des répétitions outrancières, gâchant les bons passages de l'histoire. Oui, j'ai éprouvé un certain plaisir à suivre ces aventures, bien que Geralt soit dépossédé de sa personnalité : les nouveaux personnages sont intéressants (comme Lytta finalement) et certains éléments de l'univers sont développés (par exemple, l'anecdote des "magiciennes ratées" qui deviennent juristes est sympathique). Dommage que l'histoire demeure si plate, si peu mémorable...


Une belle déception qu'est "La saison des orages". Ironiquement, elle provient non pas d'une adaptation, mais bien de la plume de l'auteur lui-même...

Saidor
5
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Collection simple de romans fantasy et Liste de livres lus en l'an 2017

Créée

le 1 mars 2017

Critique lue 2.4K fois

8 j'aime

Saidor

Écrit par

Critique lue 2.4K fois

8

D'autres avis sur La Saison des orages

La Saison des orages
Saidor
5

Sapkowski s'amuse

Honnêtement, je peine à comprendre quel mouche a piqué l'auteur lors de la rédaction du récit. La saga du Sorceleur, que je connaissais comme beaucoup de quidams occidentaux grâce aux jeux vidéos,...

le 1 mars 2017

8 j'aime

La Saison des orages
Alyson_Jensen
7

Ayez pitié de mon fourreau, il va rendre sa lame !

S'inscrivant en préquelle de la saga du sorceleur en 5 volumes, La saison des orages déploie une intrigue aux enjeux moins fondamentaux mais à la qualité narrative indéniable. Centrée exclusivement...

le 21 juin 2015

7 j'aime

5

La Saison des orages
Shion_TG
8

Un livre inspiré et inspirant un jeu vidéo...

La série monumentale des The Witcher est inspiré d'une série de livres polonais sur le fameux sorceleur, homme surpuissant se battant contre des créatures surnaturelles. On suit ici l'histoire de...

le 29 déc. 2015

2 j'aime

Du même critique

The End of Evangelion
Saidor
5

L'opposé de l'inverse donne l'égal

Ainsi s'achève "réellement" l'une des séries d'animation japonaise les plus cultes des années 1990. Une vraie fin pour satisfaire des fans mécontents par la première version, presque à juste titre...

le 16 juil. 2017

14 j'aime

1

Shadow and Bone : La Saga Grisha
Saidor
7

De la YA fantasy, mais en bien

Les séries fantasy se multiplient ces derniers temps. Féru du genre, je ne peux que saluer le principe, toutefois je dois tempérer mon enthousiasme face à l’acceptation de l’âpre réalité : c’est un...

le 27 avr. 2021

13 j'aime

1

Adventure Time
Saidor
5

Je n'accroche pas

Contrairement à Regular Show et Gumball, dessins animés que je déteste au plus haut point, j'arrive quand même à comprendre le succès de Adventure Time et je pense que si il faut regarder un dessin...

le 14 août 2015

12 j'aime

7