"Les parents boivent, les enfants trinquent" suivi de "les chiens ne font pas des chats"

"Les souvenirs de l'enfance ne sont pas, comme ceux de l'âge mur, classés dans les cadres du temps. Ce sont des images isolées, de tous côtés entourés d'oubli, et le personnage qui nous y représente est si différent de nous-mêmes que beaucoup d'entre elles nous paraissent étrangères à notre vie. Mais d'autres ont laissé sur notre caractère des traces à ce point ineffaçables que nous reconnaissons leur vérité passée à la force présente de leurs effets. Comme, étudiant l'histoire d'un pays, nous ne pouvons éprouver ce qu'était, entre l'Eglise et le Château, la servitude paysanne mais l'imaginons en observant dans nos villages la survivance de haines que rien n'explique, ainsi trouvant parmi nos sentiments actuels des répugnances folles et des goûts condamnables nous y reconnaissons les ondes affaiblies d'un ébranlement qui, trente ans plus tôt, agita les groupes de cellules dont nous sommes les descendants."

Assez jouissif, quoiqu'assez prévisible, ce roman de Maurois commence à Pont de l'Eure, capitale normande, sinon française, de l'industrie lainière au début du XX° siècle. Denise Herpain est la fille d'un notable local, un homme faible et cocu qui assume. Le problème c'est qu'il est bien le seul à assumer : dans une petite ville, les cancans vont bon train et Denise subit l'infidélité de sa mère et l'incapacité de son père à corriger l'impétrante et à la faire filer doux : sa mère ne s'occupe pas d'elle, elle n'a pas d'amis, tout le monde la rejette par la faute de sa mère.

Denise grandit et part étudier à Rouen, puis à Paris. Elle déteste sa mère (qui, une fois son mari décédé, s'est mariée avec son amant, trouvant ainsi grâce auprès des bonnes gens de Pont de l'Eure) et veut vivre une vie qui sera à l'opposé exact de celle de ses parents.
Sauf que, bien vite, elle répète les fautes de sa mère, épousant un homme faible qu'elle domine et trompe avec des hommes forts.

Une chronique de la bourgeoisie française qui aurait fait un bon Bunuel, un bon Chabrol. Un texte juste, une belle langue, de belles pensées, une narration maîtrisée.

Le roman n'a pas mal vieilli mais il a vieilli. Les étudiants sont bien plus cultivés qu'ils ne le sont aujourd'hui, on correspond beaucoup par courrier, les discussions politiques ne sont pas très clair quand on ne sait pas qui est Aristide Briand. Cela dit, le livre qui se termine en pleine crise économique (celle de 1929) est assez délectable car elle n'était pas si différente dans les causes et les effets de celle qui nous touche actuellement.

André Maurois, un auteur à re-découvrir...
rivax
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le 12 août 2012

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