Le Château
7.9
Le Château

livre de Franz Kafka (1926)

Pour la 1ère fois, j’ai engueulé un livre. Et c’est un gage de qualité.

Anecdote véridique.

J’avais déjà lu Le Procès et La Métamorphose et donc j’étais déjà accoutumé à l’univers kafkaïen. Mais, je trouve que cette oeuvre est sans doute la plus mature de ces créations. Dans ces autres livres surtout Le Procès, je ne pouvais pas m’empêcher de trouver une dimension trop égo-centré à l’histoire. Le pauvre petit K, miroir complet de l’auteur jusqu’au nom est rejetté par tous et se fait exploité et tué sans explication. Avec Le Chateau, on sort de cette logique.

Dans Le Chateau, les gens ne sont pas cruels. Ils sont méfiants. Cloisonnés et isolés autant physiquement que dans leurs propres esprits, le style de l’oeuvre notamment ses dialogues sont claustrophobiques. Tout le long de ma lecture, j’ai eu une profonde envie de leurs hurler dessus. Comme si j’y étais !

Ce livre a une aura particulière, car il est profondément agaçant mais jouissif. On s’arrête de lire par fatigue avant de repenser toute la journée aux lieux qu’on avait imaginé pendant la lecture. Puis, on revient s’enfermer dans la cage. Lire ce livre est comme expérience comparable au fait de jouer à un jeu d’horreur style Outlast. C’est une expérience épuisante et les personnages ne vous épargnent pas. On dirait qu’ils sont tous à des stades différents d’autisme ! Et pourtant, on y revient.

Je n’ai jamais été aussi en colère en lisant et paradoxalement, jamais été aussi heureux d’être en colère.





Partie Spoiler

Contrairement aux autres œuvres kafkaïennes, la méchanceté paraît bien moins gratuite et au contraire, servir de protection face à notre incapacité à dialoguer. Dans les autres œuvres, l’égoïsme ou la perversion semblaient être les seuls moteurs des personnages. Le Procès et La Métamorphose sont de très bons livres. Mais, les personnages trop binaires nuisaient à la qualité de ces oeuvres, notamment les personnages féminins qui paraissaient être de simples tentatrices ou de simples gourdasses. Kafka semblait n’être qu’un bureaucrate frustré du monde qui l’entoure et qui crachait de manière égocentrique son venin sur la société, notamment les femmes qui lui échappaient. Cela faisait de bons livres mais avec des histoires peu vraisemblables car trop excentriques. Or comme expliqué plus tôt, Le Château marque selon moi une rupture.

Selon moi, les personnages du Château sont bien plus humains, car les institutions servent à les protéger de la possibilité de souffrir, car cela leurs empêche de dialoguer.

Prenons un exemple, Frieda quitte K, car elle croît qu’il s’est servi d’elle uniquement pour pouvoir voir le Compte et qu’il la trompera avec une autre. Elle s’enferme dans cette interprétation fausse face à la montée des difficultés dans leur couple et ce schéma se répète tout le long du roman et avec presque tous les personnages. Chacun est victime et bourreau de sa lâcheté, car il ou elle refuse d’entamer un vrai dialogue avec autrui, de rapprocher et de souffrir. un Les institutions et leurs règles qui rendent le dialogue avec le Compte impossible servent à cela : nous empêcher de communiquer.

K a alors la possibilité à la fin du roman de devenir le compte et de décider du futur de ce chateau. Qu’en fera-t-il ? Nous ne le saurons jamais. Le roman n’a jamais été fini et a été abandonné par son auteur. Donc le classique « à vous de décider » prend le relais.

Connaissant l’auteur, je suppose que K aurait refusé mais qu’on ne lui aurait pas laissé le choix. Contraint d’être un petit roitelet aux commandes d’un labyrinthe mentale sans fin, je suppose que K se serait suicidé, ou alors la folie ou la fuite rendue impossible.

Bref…. C’est une interprétation personnelle que je vous propose. Mais, je peux comprendre qu’on trouve discutable de voir ce roman comme une illustration du dilemme du hérisson. Mais, j’aime bien cette idée et je trouve qu’elle colle bien.

okaidac
8
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le 13 févr. 2024

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