"La mission de l'art n'est pas de copier la nature mais de l'exprimer!"

Le volume d'un livre ne caractérise pas sa qualité. Ce petit ouvrage nous le montre de la meilleure des manières en nous présentant la rencontre mouvementée de trois génies. Le jeune Nicolas Poussin, 18 ans entre dans la demeure du grand Porbus. Il y rencontre Frenhofer, un génie sortant tout droit de l'esprit de Balzac. Poussin, dans la fleur de l'âge, est fasciné par la compagnie des deux éminences de la peinture. S'en suit une longue et imposante critique de la peinture et de l'art par maître Frenhofer où l'on prend conscience de son génie apparent.


Frenhofer continue sa critique, mais désormais en démontant pièce par pièce une toile de Porbus représentant une femme. Il dit qu'elle manque de vie. D'âme. Réfléxion philosophique de Balzac quant au rôle du peintre et de l'artiste face à son oeuvre. Pour Frenhofer, le peintre n'a pas que le simple rôle de peindre une toile mais doit donner vie à son tableau.
"La mission de l'art n'est pas de copier la nature mais de l'exprimer! Tu n'es pas un vil copiste, mais un poète!". En disant poète, l'on revient ici à l'origine de la poésie qui se veut création. Le peintre est donc créateur.


Nous sommes maintenant dans l'atelier de Frenhofer, qui ressent le besoin de parler d'une œuvre sur laquelle il travaille depuis maintenant 10 ans, faute de trouver le modèle idéal. Référence à la Caverne de Platon et à son monde des idées. Frenhofer cherche dans sa "Belle Noiseuse" la toile idéale. Poussin propose sa femme comme modèle. Frenhofer accepte sans hésiter. Il finit sa toile le jour même. C'est au moment de présenter son chef d'oeuvre que l’inattendu arrive. Porbus et Poussin ne découvrent qu'une explosion de couleurs éparses, où ils ne reconnaissent qu'une jambe, puis un pied (magnifiques). Frenhofer voit cette déception dans leur regard et voit maintenant sa toile avec les mêmes yeux que ses spectateurs. L'artiste est défait. Face à cette incompréhension, Frenhofer meurt le lendemain après avoir mis le feu à son atelier.


L'on voit dans incompréhension subite par Frenhofer celle qui fera face à Van Gogh quelques années plus tard. Véritable précurseur de l’impressionnisme, nous pouvons voir dans sa "Belle Noiseuse" beaucoup d'éléments qui formeront plus tard cet art que les nazis qualifièrent de "dégénéré".


Petit mais pourtant si imposant, le Chef-d’œuvre inconnu est une véritable réflexion philosophique sur la peinture et sur l'artiste. Balzac devine déjà la venue de l’impressionnisme, et remet en cause la position de l'artiste face à son œuvre. Ce petit bouquin pose un bon nombre de questions dont les suivantes: Comment donner vie à l'art? Comment lui donner le mouvement qu'il mérite?

Gilliatt
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le 30 oct. 2014

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