Le cimetière de Prague écrit par Umberto Eco, est un roman sur fond d'événements historique retraçant la vie de Simon Simonini par le biais de son journal intime. La présentation de ce personnage détestable vient rapidement dans le livre quand il décrit de façon haineuse, avec beaucoup de clichés et raccourcis les allemands, les français, les italiens, les francs-maçons et les juifs. L'auteur s'attarde avec précision sur une liste de clichés, on peut alors se demander si c'est bien utile, si on va y avoir droit tout le livre car on sait qu'on va suivre ce personnage. Effectivement, cette haine décrite sans recul, sans jugement moral de l'auteur, sera présente durant tout le roman. Les médias italiens ont d'ailleurs reproché à Umberto Eco de donner du grain à moudre aux esprits malveillants d'extrême droite. C'est pas totalement faux mais le roman est clairement une attaque frontale au racisme et à l'idéologie d'extrême droite. Cette attaque est originale et maligne puisqu'elle ne dénonce pas le racisme par un jugement moral comme c'est fait habituellement mais par un récit, une histoire, qui démontre la stupidité et la dangerosité du racisme. En effet, Simonini a effroyablement peur du complot juif. Cette haine viscérale lui vient de son grand père qui lui a sans cesse martelé des immondices sur le peuple juif durant toute sa jeunesse. Simonini a toujours été un solitaire, séquestré par son grand père. Il ne s'est donc construit qu'à travers la haine et les peurs irraisonnées de son grand père. L'auteur veut donc montrer que cette haine n'a aucun fondement, qu'elle n'est même pas le résultat d'une somme d'événements factuels mal interprétés ou même de réflexions malhonnêtes. Ceux-ci ne viennent qu'après cette haine viscérale, la haine est présente et ce n'est qu'ensuite qu'on essaie de la justifier. Elle est en soi, mais on ne sait pas trop pourquoi elle est là (autre que l'héritage culturelle de son grand père). D'ailleurs Simonini le concède à demi teinte dans son journal. Il est persuadé du complot juif mais n'a pas de preuve (ah bon ?) . Pour lui, la meilleure façon d'avoir des preuves c'est de les fabriquer soi-même. Ce sera sa principale activité dans sa vie, fabriquer des faux-documents dans le but de nuire aux juifs, aux francs-maçon ou autres "groupes" si des agents de services secrets le lui demandent. Au final, la seule certitude c'est que les complots proviennent de ceux qui ont peur du complot et non pas de ceux qui se font habituellement accuser. C'est une des caractéristiques de la haine, le raciste devient ce qu'il croit dénoncer. Forcément, le racisme porte aussi sur le physique, Simonini ne se prive pas de faire des généralités méprisantes sur le physique des juifs. Quand il doit rencontrer un ex-juif, il s'attend bien évidemment à une caricature (il dit de plus, information non négligeable, qu'il n'a pas beaucoup (voire pas du tout) vu de juif dans sa vie). Grosse surprise, l'ex-juif ne répond pas du tout à la caricature, au lieu de se remettre en question avec au minimum une réaction commune et pleine de mauvaise foi du style "c'est l'exception qui confirme la règle", il se dit que la reconversion religieuse change aussi le physique. Comble de la malhonnêteté intellectuelle. Passage amusant, raconté de façon simple, symbolisant parfaitement la stupidité du racisme. L'auteur fait aussi une critique de la société et des foules facilement manipulables, les faux-documents en question ne sont que des reprises d'anciens textes (parfois mot pour mot). Il souhaite montrer que ce sont toujours les mêmes schémas qui suscitent les réactions des foules, il n'y a donc pas de prises d'expérience de la part de la foule, ce qui fonctionne c'est juste la confirmation des opinions pré-établies de la foule, l'envie instinctive d'être une victime de complot. Ces réactions, ces instincts humains sont intemporels.
La quantité de personnages de tout horizon, acteurs dans la réalisation de faux-documents essayant de prouver des pseudos complots et l'ampleur générée montrent ce qui, en partie, induit l'affaire Dreyfus et le génocide des juifs annoncé par Simonini lui même en fin de roman.

TitoCasalibre
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le 7 oct. 2018

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Tito Casalibre

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