..la dinguerie de la chose étant que, même si vous êtes une enfant
intelligente, même si vous passez votre adolescence à lire
Shakespeare, Jean Racine et Bernard Shaw, même si vous étudiez
l'histoire, la zoologie ou la physique, dans l'espoir d'employer votre
vie à poursuivre une carrière difficile - quelle gageure! - vous n'en
gardez pas moins l'esprit nourri de cette soupe sentimentale de désirs
vagues dont toute lycéenne est imprégnée jusqu'aux os. Peu importe
votre quotient intellectuel: 70 ou 170, rien n'y fait, le lavage de
cerveau est le même. Seules diffèrent les structures superficielles.
Seul, le langage est un peu plus élaboré. Mais, sous le masque, vous
mourez d'envie de vous anéantir dans l'amour, de perdre pied, de vous
sentir toute pleine d'une énorme berloque crachant comme une fontaine
le sperme, la belle eau savonneuse, le satin et la soie - et aussi
l'argent, bien entendu.



Ce paragraphe à lui seul pourrait résumer Le complexe d’Icare. L’histoire d’Isadora qui essaye désespérément de s’affranchir de tout, de sa place de femme dans une société patriarcale, des injonctions familiales à fonder une famille et arrêter d’écrire, de son mari avec qui elle se morfond, des psychanalystes qu’elle collectionne et qui ont tous un jugement tranché sur ce qu’elle fait de sa vie… et aussi peut-être de sa libido incontrôlable qui s‘enflamme soudainement lorsqu’elle rencontre Adrian lors d’un congrès.
Adrian, personnage sans intérêt et sans réelle substance, est le catalyseur qui va la pousser jusqu’au point de rupture de sa vie bancale.
Le tout rédigé dans un style d’une belle finesse, fluide, tantôt narratif tantôt contemplatif. La plume d’Erica Jong est drôle, mordante et nous assène régulièrement ces vérités qui prennent au cœur.


Bien qu’Isadora soit son alter-ego, et que ses questionnements et doutes d’écrivain font très probablement écho à ceux d’Erica Jong, elle la dépeint sans aucune complaisance parfois même avec un sordide ridicule qui frise la cruauté. C’est ce qui en rend ce roman aussi brillant.


Le personnage principal est intelligent, mais médiocre. Il se veut libérer, et croit même le faire un moment, mais passe la totalité de son temps « libre » bourré de remords à l’idée d’avoir brisé ses chaînes. Qu'il avait lui-même forgées par ailleurs.
Même les scènes érotiques sont d'une absurdité grotesque. Elles n'en perdent rien en sensualité.


On ne sait pas où on va. On se plonge avec un plaisir pervers dans le passé délirant d’Isadora, on l’observe se débattre dans son présent, et vivre. Elle est terriblement humaine.


Ce roman est sorti en 1973, son contenu, ses questionnements, ses errances, restent intemporels.

Isadora-zelda
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le 17 févr. 2018

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