Longue vie à Jaume Roiq Stevens !

Mais au fait, c'est quoi cette histoire de cochon ? Pire : d'armée de cochons ? Et qui est ce dernier homme qui, à en croire le grand délirant Nainzio d'Annibabyl, nous mènera au premier ?
C'est lui, c'est un « je » de dispositif dispositif, nom de code : « seul maître à bord », autrement dit par Minard Céline :
« Moi, Jaume Roiq Stevens, désormais seul maître à bord après personne, j'entame ma troisième semaine en solitaire sur la station Funsky. »
Rien d'étonnant à ce que le dernier homme qui nous mènera au premier soit un cosmonaute, notant le cosmos, dérivant arrogant planant à 100 000, détestant tous ses semblables avant d'atterrir moins fier dans une Amérique du Nord nettoyer de son ethnie, et là, on fait moins le malin, on se pince la joue du temps qui passe et rien n'y fait nous n'y sommes plus sauf un qui ne peut plus détester personne.
Il saccage Houston, pille, casse, vole, rien ne peut l'arrêter et personne ne l'arrête.
Il n'y a plus de propriété, plus de loi, plus d'esprit, enfin!, et le temps passant les animaux reprennent leurs droits.
La langue ici est parlée, mutante et renouvelable comme le budget de la Nasa et cet homme est une technologie formatée pour survivre dans l'inhumanité, ça tombe bien, ces années d'entraînement, elle le dit mieux que moi : « La vie était effectivement partout, mais pas humaine ».
Minard anticipe l'après-civilisation, et un seul homme doit payer les frais de la disparition de la domination humaine et cet homme c'est notre homme.
Jaume Roiq Stevens fait le tour du monde, comme s'il cherchait un survivant, ne trouvant rien, il se divise en plusieurs identités qui sont autant de voix qui lui permettent de faire des choix.
Et puis, comme pour combler l'abstraction de ses doublures vocales, il s'attache aux animaux, leur prouve une dernière fois notre merveilleuse capacité de domination.
Et nous revoilà en Chine avec son armée de cochons, c'est l'une des plus belles scènes de la littérature mondiale, il leur dit : « Ensemble, nous allons traverser l'espace. Ensemble, nous allons changer la face de la terre. »
Et puis ils partent, et puis avant même d'avoir réalisé de grandes choses, les porcs le lâchent pour la plus grande déchêterie au monde, près de Changping ou Daxing, un paradis, pour les cochons.
La désertion lui met un coup.
Que peut-on faire seul ?
devenir fou dans la recherche d'un projet qui ressemblerait plus ou moins à quelque chose d'humain.
Ce qui est impossible.
Il devient fou, et, slalomant entre les facilités, Minard s'en sort à merveille, les 100 dernières pages étant les plus belles.
Les plus belles ?
À moins que l'on préfère, page 258, une scène sexuelle sur la selle géo-politique, l'un des doubles de J.-R. Stevens copule avec le bassin profond du Sichuan, personnifié dans une belle chinoise improbable à la peau satinée et qu'il apelle Wei, un souvenir géo-érotique du Major, fameux double à la verve d'un Buck Mulligan.
Aperçu avant liquidation :
« Pour secouer les volcans, pour couvrir les océans de méduses lubrifiées, ah major, prenez-moi
Armez mon bras, bandez mon arc, tenez le manche du Hawk à turbomoteur que je vois ah sous mes patins le bikini des Trois-Gorges glisser sur le bassin soyeux du Sichuan. »
La scène est archi-délirante, je n'avais jamais lu ça, cela manquait au « ça », c'est chose faite.
Longue vie, donc, à Jaume Roiq Stevens, ce VIP au nom aussi beau qu'improblablable, et d'ailleurs pourquoi donc, pourquoi ce nom sans nom?
Élémentaire, je me lance sur une vague improvisation : Jaum, comme Joyce, Shem et Shaum, in Finnegans Wake, et Roïq comme héroïque, bien entendu, et pas du tout, héros antique et anticipathique ; et trois lettres, évidement, J R S, comme l'H C E de Joyce, here comes everybody, toujours in Finnegans Wake, dont la première phrase est la base des 100 dernières pages du roman, JRS, ici plus personne ne peut venir, sauf, inhumainement, mais c'est une toute autre histoire.
NzoBaal
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le 27 sept. 2010

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