Le Facteur Borges

Résumé : Ce livre n'est pas un roman d'espionnage. C'est un essai consacré à la lec­ture, un manuel d'utilisation pour s'orienter dans une littérature : celle de Jorge Luis Borges. Certains cherchent le Saint Graal, d'autres Moby Dick et, de façon tout aussi téméraire, cet essai suit, lui, les traces du facteur Borges pour capturer la propriété, l'empreinte digitale, la molécule qui fait que Borges est Borges et qui, libérée par la lecture, la traduction et les multiples formes de résonance s'acharnant sur l'auteur et sur son oeuvre depuis plus ou moins quarante ans, fait que le monde devient chaque jour un peu plus borgésien. Ce qu'Alan Pauls trouve au cours de cette quête est une forme heureuse d'échec : il n'y a pas un facteur Borges mais plusieurs, nombreux et variés. Avec ce Facteur Borges, Pauls démontre qu'il est non seulement un extraordinaire romancier, mais également un magnifique et incisif essayiste.Extrait du livre :Fort bien : mais pourquoi quelqu'un comme Borges qui, en 1926, incarne la modernité, se voit-il contraint de faire un geste si significatif ? Suivant une logique strictement borgésienne, dont un des axiomes assure que ce qui est n'a pas besoin de s'affirmer, cette remise de temps doit en réalité être lue comme quelque chose en trop, un excès : une emphase. Précisément le type d'excès de comportement dont Borges se moque dans le prologue qu'il écrit en 1969 pour la réédition de Lune d'en face (1925) : «Vers 1905, Hermann Bahr décida : "Le seul devoir, être moderne." Quelque vingt ans plus tard, je m'imposai aussi cette obligation tout à fait superflue. ÿtre moderne c'est être contemporain, actuel ; nous le sommes fatalement tous.» Presque un demi-siècle après les avoir commis, Borges ironise sur deux péchés de jeunesse, deux enthousiasmes qui n'en sont peut-être qu'un : s'être proposé d'être moderne et s'être pro