Le fond du trou est un album dont j’ai découvert l’existence en lisant un exemplaire de la revue dBD. L’article l’évoquant était suffisamment élogieux pour ma curiosité à l’égard ce curieux ouvrage soit attisée. Lire cet ouvrage dont la particularité était d’être traversé par un trou de part en part m’intriguait. C’est par ailleurs l’occasion de découvrir un auteur qui m’était jusqu’alors inconnu : Jean-Paul Eid.
La première page nous plonge dans le salon de Jérôme Bigras. Cet homme bedonnant et moustachu est en train de lire son journal assis dans son fauteuil. Tout à coup, un bruit retentit. Un trou est apparu dans son écran de télévision. De ce trou, s’extrait difficilement un homme masqué. Qui est-il ? D’où vient-il ? Voilà les enjeux de l’histoire…
La structure narrative est originale et particulière. Tout d’abord, il y a ce trou qui habite chacune des pages. Ils font donc intégrer cette contrainte forte dans la construction de la planche et de l’histoire. Je dois bien avouer que la réussite de cet aspect est inégale d’une page à l’autre. Néanmoins, globalement, l’auteur s’en sort plutôt bien et arrive à faire en sorte que ce trou ne soit pas qu’un gadget scénaristique.
Autre particularité, et pas des moindres, la construction narrative remet en cause la « Convention internationale sur le sens de la lecture » évoquée par un personnage. La citation « L’escouade spéciale ? C’est que… on l’a affectée à la page 17 ! » se trouve à la page 5. Tout au long du déroulé de l’histoire, l’auteur prend plaisir à mettre en relation différentes planches de l’album. Il joue également avec la dimension recto-verso de certaines pages. Ce choix est légèrement perturbant au début mais je m’y suis finalement assez vite adapté. Là encore, toutes les utilisations de cette liberté ne sont pas de qualité égale mais dans l’ensemble elle apporte une originalité appréciable à la lecture.
Côté dessins, l’auteur s’en sort plutôt bien. Son style s’accorde parfaitement avec le ton décalé et déluré de l’album. Un accent est porté sur l’expression des visages. En effet, les réactions sont souvent excessives et épidermiques. Les illustrations les mettent joliment en valeur. La grande variété de personnages et de décors est efficacement mise en valeur. Le travail sur les couleurs colle également bien à l’ambiance générale.
Pour conclure, Le fond du trou est une lecture intéressante qui sort des sentiers battus. L’originalité des pistes narratives est à valoriser. La volonté de l’auteur de jouer avec le livre en tant qu’objet est une jolie idée. Néanmoins, l’ensemble manque de constante pour faire de cet ouvrage un passage obligé pour tous les adeptes du neuvième art. Mais que ces réserves ne vous empêchent pas d’y jeter un coup d’œil si vous le croisez sur votre passage…