Légère déception mâtinée du plaisir de retrouver un univers et certaines qualités littéraires.

Je ne peux nier retrouver avec plaisir l'univers de l'assassin royal. En deux semaines, j'ai relu l'ensemble des deux premières trilogies pour mieux m'immerger dans cette nouvelle trilogie. Cette première critique portera en réalité sur les deux premiers tomes de la nouvelle saga car, comme à son habitude, l'éditeur préféra diviser le premier tome de cette trilogie pour se faire plus d'argent, heu... non, officiellement pour ne pas effrayer le lectorat français qui prendrait ses jambes à son cou lorsqu'il croiserait un roman de plus de cinq-cent pages. Et cette raison officielle tient la route, bien sûr, surtout lorsqu'on remarque la publication quelques années plus tard d'intégrales dépassant les mille pages et regroupant plusieurs tomes originaux... Quelques soient les intentions des éditeurs, ces divisions me semblent toujours néfastes à la lecture des romans, plus ou moins cependant. Dans le cas présent, il me semble vraiment nécessaire de critiquer d'un tenant les deux premiers tomes français, correspondant au premier tome original.


L'essentiel consiste probablement à dire que j'ai globalement pris plaisir à cette lecture et que retrouver l'univers de l'assassin royal est même très plaisant. Le dernier tome français de la précédente trilogie, Adieux et retrouvailles, avait déçu un certain nombre de lecteurs par son manque d'action. En effet l'intrigue avait été globalement close, et nous avions alors affaire à un très long épilogue. Pour répondre à cette critique, il faut tout d'abord considérer que l'édition originale remet en cause le découpage. En effet le dernier tome de la seconde trilogie comprenait en réalité les trois derniers tomes français, seul le dernier tiers du dernier tome pouvait ainsi être considéré comme un long épilogue, ce qui bien entendu reste bien plus intelligent. Malgré tout, rare sont les épilogues de plusieurs centaines de pages, c'est en effet un très long épilogue. Mais personnellement, j'ai toujours apprécié les épilogues et reste toujours frustré par les fins abruptes et rarement j'ai pu autant en savourer un.
Souvent simplement résumé des faits postérieurs à l'intrigue, celui-ci permettait de s'immerger petit à petit dans l'avenir du héros. On ne se contentait pas de le connaitre mais on le ressentait. On n'imaginait d'ailleurs pas cette suite.


La première partie de cette nouvelle saga ose le parti de perpétuer l'épilogue précédent et de le transformer petit à petit en une nouvelle situation initiale pour la nouvelle épopée. Le premier tome français correspond à cette transformation, malgré l'ellipse de plusieurs années. L'auteur n'hésite pas à poser encore de nouveaux jalons marqués par de multiples ellipses de plusieurs années. J'ai apprécié personnellement ce parti-pris qui me permettait de mieux découvrir le nouveau quotidien de la vie maritale de Fitz et Molly. Les deux personnages apparaissent même plus sympathiques encore que précédemment dans le rôle d'humbles hobereaux. Pourtant cette partie ( clairement celle que j'ai le plus appréciée ) est alourdie par un défaut conséquent qui m'a beaucoup gêné et m'a même convaincu de régulièrement sauter quelques paragraphes. Peut-être parce que plus de onze ans séparent le dernier tome de l'ancienne trilogie et le premier de cette nouvelle, Robin Hobb se sent obligée de nous résumer sans cesse les précédentes histoires pour que l'on puisse comprendre le héros et ses réactions.
A coup sûr, ces explications sont nécessaires à tout nouveau lecteur qui entamerait ici la saga, mais je doute cependant qu'elles soient suffisantes pour le novice. A l'évidence, cette saga est une suite qui nécessite d'avoir lu les deux précédentes trilogies. Au contraire pour le lecteur ayant déjà lu les précédentes saga, ces trop nombreux rappels ne cessent d'ennuyer et de hacher la lecture ! Le roman perd ainsi considérablement en densité ! Et si j'apprécie le temps que prend l'auteur à poser le contexte et les personnages, il reste qu'un tel choix aurait nécessité une densité qui échappe à cette première partie. On reprochera alors à l'intrigue de s'amorcer trop lentement, ou plus précisément d'introduire des événements perturbateurs censés la lancer mais qui, finalement, sont sans effets. Il aurait même probablement été plus judicieux de ne point amorcer du tout l'intrigue tant qu'elle ne pouvait suivre sa course sans interruption. L'intrigue ne débute en effet réellement qu'à la fin du deuxième tome. Ce deuxième tome d'ailleurs introduit les nouveaux personnages secondaires, Abeille, Cribble, Allègre, Evite, Persévérant, Fitzélégant. Si Abeille, nouveau personnage principal, se révèle une bonne surprise tant elle reste attachante malgré quelques côtés agaçants découlant de son jeune âge, les autres personnages semblent beaucoup moins réussis. L'une des réussites des précédentes trilogies tenait à l'affection dont on se prenait l'air de rien pour ces personnages secondaires, Umbre, Devoir, Lourd, Ortie, Vérité, Kettricken.... Les personnages secondaires apparaissent ici moins réussis. Cribbe et Allègre sont deux personnages sympathiques mais un peu fades. Fitzélégant et Evite, deux nouveaux personnages potentiellement très intéressants mais terriblement antipathiques de par leur médiocrité. Ils ne cessent de décevoir. On regrette alors ne pas voir davantage intégrés au quotidien du héros, les personnages secondaires qu'on aimait tant. Si Ortie et Umbre sont régulièrement intégrés à l'histoire, ils restent souvent prisonniers de Castelcerf, loin de la vie de Fitz à Flétribois.
De plus les magies centrales des premières trilogues, l'Art et le Vif, teintaient finalement la narration tant elles influaient, surtout la seconde, sur les perceptions du héros. Alors même que la disparition d'Oeil-de-Nuit nous privait d'un atout exceptionnel, le vif restait central dans la caractérisation du héros, dans son essence même. Dans ces deux premiers tomes, ces magies se sont banalisées, régulièrement utilisées, par le héros, elles en deviennent aussi plus anecdotiques, simple moyens ne définissant plus fondamentalement le héros. Cependant lors du deuxième tome, la narration s'enrichit grâce au point de vue d'Abeille. J'avoue ne pas savoir si ce choix se révèle finalement judicieux. Peut-être ajoute-t-il une narration hachée à une intrigue peinant à se développer encore. Cependant, l'auteur prouve qu'il sait entrer dans la peau de ses personnages en retranscrivant très bien, l'esprit de la jeune fillette permettant au lecteur de s'attacher davantage au personnage. En outre, l'unique focalisation des trilogies précédentes pouvait aussi lasser par moment lors des crises d'introversion et d'auto-critiques d'un héros parfois peut-être un peu trop plaintif. A terme, je pense donc que cette narration autour des deux personnages principaux permettra de contre-balancer l'absence des nombreux personnages secondaires sympathiques auxquels nous nous étions habitués.
Et notamment de contre-balancer le défaut récurrent de la saga que représente la lenteur d'esprit du personnage. A nouveau, je l'ai cruellement ressenti. Les messages mystérieux pour le héros prennent vite sens pour le lecteur, pire encore, on ne comprend pas comment le héros ne peut poser des hypothèses évidentes quant à la nature de sa fille, de par son rythme de croissance particulier, sa peau très blanche.... Sujet central des précédentes saga, le lien, bien que mystérieux avec les prophètes blancs, apparait évident. Les questions restent bien entendu, et on peut imaginer que la question se complexifie par la suite. Peut-être même qu'il s'agisse d'une fausse piste. Le fait est que ni Umbre, ni Fitz, ni personne, ne semblent y voir quelque explication possible.... Une véritable incohérence selon moi.


Pour terminer sur un point positif, le style est toujours aussi agréable et l'utilisation conséquente du subjonctif imparfait, toujours un véritable délice. Cependant bien que je prisse toujours autant de plaisir à ces élégances, j'aperçus lors de ma lecture quelques abus de ce temps.


Ma critique révèle un certain nombre de défauts, cependant il faut retenir malgré tout le plaisir à retrouver l'univers, les personnages, l'auteur et son style. Il faut aussi considérer que certains défauts de ces deux premiers tomes ne devraient être que temporaires et j'imagine qu'ils disparaîtront petit à petit dès le prochain tome. Peut-être même certains deviendront-ils de nouveaux points forts.

Vyty
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le 1 mai 2017

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Vy Ty

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