Demande des efforts, mais on en est largement récompensé

En 2060, les historiens de l’Université d’Oxford voyagent dans le temps. Contre l’avis du professeur Dunworthy, la jeune Kivrin Engle décide de partir pour l’Angleterre du XIVe siècle. Sitôt arrivée en 1320, elle tombe gravement malade malgré tous les vaccins qu’elle a reçus avant son départ. En 2060, Badri, le technicien qui a opéré le transfert de Kivrin, est lui aussi victime d’un malaise. Avant de s’évanouir, il a le temps de prévenir le professeur Dunworthy : quelque chose cloche. D’autres personnes tombent malades, l’épidémie est déclarée et le secteur d’Oxford est mis en quarantaine. Personne ne sait d’où vient cette mystérieuse grippe, et personne ne sait ce qu’il advient de Kivrin…

Le Grand Livre a exactement les mêmes qualités et défauts que Blitz. Connie Willis a un talent fou pour donner vie à une foule de personnages qui sont tous dessinés avec nuances, subtilités et profondeur. Elle est également très douée pour transporter le lecteur dans une époque révolue (ici l’Angleterre du Moyen-Age), qu’elle reconstitue de manière très précise avec énormément de détails.

Le seul problème, mais c’est un problème de taille, c’est que ces romans sont beaucoup trop longs, comme si l’auteur avait une obligation contractuelle de rendre à son éditeur des romans de plus de 700 pages. Une fois le décor planté et l’action mise en place, on se perd dans les méandres des circonstances qui empêchent tel personnage de se rendre à tel rendez-vous, dans les difficultés de reconstituer une par une la liste des personnes rencontrées par le technicien infecté, dans les efforts désespérés de tel personnage à obtenir une communication téléphonique ou de tel autre à retrouver un point de transfert…

Cela signifie, par exemple, qu’il faut 350 pages pour apprendre ce qui cloche réellement avec le transfert de Kivrin. A chaque réveil du technicien, le professeur Dunworthy lui pose la question, et au moment de répondre, le technicien s’évanouit, commence à délirer, est interrompu par une infirmière, ou se tait tout simplement. Cela met d’autant plus les nerfs du lecteur à rude épreuve qu’il anticipe chaque rebondissement de l’histoire des dizaines, voire des centaines de pages avant les personnages ! Tous les effets de surprise tombent à l’eau et le récit semble embourbé dans des détails infinis qui débouchent toujours dans une impasse.

Toutefois, au-delà de l’ennui provoqué par cette fâcheuse tendance à remplir la partie centrale du récit avec une longue litanie d’efforts contrariés, se cache un excellent roman. Exactement comme pour Blitz, l’effort en vaut largement la peine et il est très difficile de lâcher le livre dans les 200 dernières pages. Ce qui restera au lecteur en refermant ces ouvrages, ce sont des personnages inoubliables, des reconstitutions historiques saisissantes, et tout simplement une histoire émouvante et extrêmement bien écrite et documentée.

Prix Hugo 1993 et Nebula 1992, Le Grand Livre introduit certains personnages que l’on retrouvera dans Blitz, écrit 18 ans plus tard. Il fait preuve des mêmes qualités et souffre des mêmes défauts. La lecture est parfois lassante, particulièrement dans la partie centrale du récit, mais l’impression finale reste très positive.

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