« Aux prêtres, aux Soldats, aux Juges, aux Hommes, qui éduquent, dirigent, gouvernent les hommes, je

Octave Mirbeau nous prévient dès les premières lignes, il s'apprête à transgresser les codes de la morale et de la bienséance, pire que ça il cherche à brouiller l'éthique et les habitudes du lecteur. Ce qui va suivre est une « monstruosité littéraire », une nouvelle protéiforme : c'est un roman initiatique, une métaphore de la condition humaine, une remise en question de la société de l'époque mais aussi un exercice dérangeant d'humour noir.

Plus que le portrait d'une femme démoniaque - Clara une anglaise sadique, perverse et hystérique -, l'auteur dresse celui d'une société extreme et décadente : il dépeint la « Loi du meurtre » (dont il est surtout question dans le frontispice de la nouvelle : conversation d'après boire sur le meurtre, entre membres éminents de l'intelligentsia parisienne) qui régit les hommes, il dénonce les colonies Françaises et Anglaises qui font de continents entiers de véritables Jardins des Supplices, il s'en prend à la civilisation occidentale et ses pseudo valeurs humanistes. De manière générale c'est une esquisse de la méprisable et épouvantable condition humaine, qui au XIXème siècle se laisse aller dans une sorte de langueur lascive, un abandon oisif, le tout dirigé par une passion morbide et obscène. Octave Mirbeau pousse jusqu'au bout le vice, l'immonde climat propre au décadentisme de cette époque.

Tout cela prend forme à travers les faits et gestes d'une sorte de succube qui initie le narrateur aux joies des supplices et de l'amour; partagée entre horreur et jouissance; la nouvelle se termine par la « petite mort » de l'héroïne. Ce livre, résultant d'un collage de plusieurs écrit de l'auteur, présente ce que l'on peut, au début du moins, prendre pour des anomalies, les personnages présentent des traits de personnalité qui sont considérés comme incompatibles dans l'art du roman de l'époque; il transgresse en fait cette conception réductrice et suggère que l'homme est complexe, double voir même contradictoire. Par exemple, la sadique et masochiste Clara, qui s'extasie devant le spectacle des mises à mort raffinées, se révolte pourtant devant les menaces de génocides des expéditions coloniales franco-anglaises, se faisant ainsi l'avocate du Tiers Monde. Clara, ce mélange d' « enfant » et de « prostituée » qui est dépeinte comme le « paradis » est en même temps et indissociablement l'« enfer »
De manière générale ce livre est une tribune contre tout dogmatisme et tout forme de manichéisme, réducteur et mensonger, il assume ce qu'il appelle le « desespoir » : l'univers n'a pas de sens, la vie n'a pas de but et ce n'est pas au romancier de leur en donner.

Ce livre n'étant désormais plus édité, vous pourrez le trouvé sur ce lien : http://www.leboucher.com/pdf/mirbeau/jardin.pdf
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le 17 avr. 2011

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