"Il est trop occupé à vivre pour y penser"

A la suite du naufrage d'un ferry dans la baie de San Francisco, Humphrey Van Weyden, délicat critique littéraire, est recueilli sur Le Fantôme, la goélette du tyrannique capitaine Loup Larsen qui l'engage de force dans son équipage.

Humphrey se retrouve vite, au-delà de la découverte de la violence d'un milieu qu'il ne connaît pas et de l'ensemble des jeux d'influence qui se jouent avec chaque marin, confronté à la force prodigieuse du Loup des mers qui le maltraite de la même manière que le reste de l'équipage. Grâce à son apprentissage rapide, mais surtout à son éloquence et son éducation qui le distingue du reste de l'équipage, Humphrey arrive à créer une complicité intellectuelle avec Loup Larsen, nourrie par leurs antagonismes : alors qu'Humphrey se réfère à la morale et à la primauté de toute vie humaine sur les considérations matérialistes, Loup Larsen détaille des convictions conformes à ses actes sur le navire : une sélection naturelle cynique et la stricte application de la loi du plus fort qui le favorise de fait.

A travers ces échanges, qu'Humphrey utilise tant pour se rapprocher de Loup Larsen que pour trouver le moyen de fuir l'enfer flottant dans lequel il a été embarqué, on découvre toute la profondeur du personnage de Loup Larsen, démoniaque et rieur, perspicace et cruel, dont la force monumentale n'est lézardée que par de risibles faiblesses (ses maux de tête, la réussite de son frère, l'absence de soutien dans son éducation)...

Le roman s'articule sur cette dialectique, où l'être faible et moral joue de finesse et d'adaptation pour survivre dans un milieu inconnu, régi par des coutumes et des règles implicites, face à la Force inébranlable personnifiée par Loup Larsen, véritable héros de ce livre tant sa personnalité, finalement complexe, y est décrite avec vivacité et finesse. Avec une grande question, qui nous oppresse de plus en plus au fil des pages : quelle philosophie aura raison de l'autre ?

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