Trois femmes et Al Andalus

Nous sommes en 1491 et allons suivre trois femmes que normalement tout devrait opposer. La première est catholique et s'appelle Isabeau. Elle tient plus du garçon manqué que de la femme. A dix-sept ans, alors qu'on aurait déjà dû la fiancer depuis longtemps, elle est un fardeau pour son oncle et surtout pour le conseiller de ce dernier, le Grand Inquisiteur. A la mort de ses parents, Isabeau était trop jeune pour hériter des terres de Jerez, aussi son oncle et sa tante dirigèrent le château en attendant qu'Isabeau trouve époux et qu'elle lui donne un enfant. Mais lorsque sa tante meurt en couche, le Grand Inquisiteur décide d'envoyer Isabeau au couvent et de la priver définitivement de son héritage.

Myrin est juive, elle est la fille d'une femme médecin de Jerez. Elle a grandi entre potions et onguents, et sa mère lui a transmis toutes ses connaissances. Hélas, dans cette Espagne du XVème siècle, le bûcher est à la main des inquisiteurs. Les juifs sont alors persécutés pour leur savoir qui peut menacer la chrétienté. Ils sont souvent assimilés à des sorciers et en connaissent souvent le sort peu enviable. La mère de Myrin, parce que son remède ne sauvera pas la tante d'Isabeau, sera condamnée au bûcher. Isabeau recevra le dernier message de l'érudite et enverra son maître d'armes, Pedro, un converti, extraire Myrin de Jerez et l'emmener à Grenade encore aux mains des musulmans. Isabeau confiera à son fidèle ami cet ultime message pour qu'il le transmette à Myrin, une fois qu'elle sera à l'abri.

La troisième femme, Yasmin, est musulmane, et vit chez son père. C'est un seigneur de guerre musulman et, sentant le vent tourner, il est devenu un vassal des très catholiques souverains Ferdinand et Isabelle. Comme sa dernière épouse traite humainement ses trois filles, il pense qu'elle sera une bonne mère de substitution pour ces dernières. Lorsque les deux aînées s'enfuient avec de beaux hidalgos chrétiens, il devient fou, fait exécuter son épouse et envoie Yasmin en exil avec son homme de main. A charge pour ce dernier de la tuer pour nettoyer la honte qui entache son nom.

Isabeau fuira le couvent, est bien décidée à retrouver Pedro et Myrin, car ils sont ses derniers alliés. Le message reste mystérieux, car il fait allusion à une tradition, un livre mystérieux. Le Grand Inquisiteur est bien décidé à retrouver cet ouvrage précieux qui peut menacer sa foi. Il lance donc une troupe à leurs trousses. Lors de leur fuite, Pedro et Myrin sauvent Yasmin de la mort et cette dernière se joint à leur quête. Fuyant devant les hommes du Grand Inquisiteur nos héros arriveront-ils les premiers auprès du précieux livre ?

Al Andalus était une période particulière de l'histoire espagnole. C'était une période de grande tolérance quand les sultans de Tolède, Grenade ou Cordoue régnaient sur une grande partie de la péninsule ibérique. Musulmans, juifs et chrétiens vivaient alors paisiblement et cette période a considérablement enrichi culturellement l'Europe. L'histoire que nous suivons se situe en 1491, un an avant que le dernier sultanat, celui de Grenade, ne retombe sous le joug du roi Ferdinand et de la reine Isabelle. A cette époque, une trop grande tolérance, comme souvent dans l'histoire, voit une période d'une intolérance sans nom lui succéder. La Sainte Inquisition commet alors son œuvre démoniaque au nom d'une foi qu'elle dévoie avec les pires crimes.

La fantasy dans ce texte a mis le redoutable Torquemada sur le trône papal et nous avons le pire cauchemar qui puisse arriver : l'Inquisition est toute puissante et les bûchers ne cessent d'alimenter cette folie. Nos héroïnes s'avéreront, chacune à sa façon, détentrices de pouvoirs qu'elles apprendront à maîtriser. Au travers de ces trois femmes, issues des trois principales religions du Livre, le lecteur assiste aux souffrances et humiliations que les femmes subissent tant au sein de leur foi et tradition que par leur appartenance à ces dernières. Marianne Leconte, éditrice et auteur, nous offre avec « Le manuscrit de Grenade » un beau roman de fantasy, d'aventure et d'histoire qui, malgré quelques incohérences dans la narration et les situations, constitue un agréable moment de lecture qui, espérons-le, donnera peut-être au plus curieux l'envie de découvrir ce qu'était le vrai Al Andalus.
Bobkill
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le 1 déc. 2011

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