Mourad et sa femme Malika sont des gens simples, honnêtes et modestes. Ils étaient disposés pour le bonheur conjugal, puis le malheur s'est immiscé dans leur petite vie tranquille, comme une fatalité. Leur couple parti pour vieillir avec sagesse est devenu une monstruosité, tant de haine, tant de hargne !


Mourad est intègre, jamais de sa vie il ne touchera un centime sale. Mais il n'arrive pas à s'en sortir, à joindre les deux bouts, sous la pression de son épouse il rejoint la cohorte des corrompus. Il devient un être quelconque. La corruption agit comme une drogue. Depuis le drame qui les a frappés, ils vivent dans le sous-sol de leur habitation, une maison qui les écrase, les nargue, les tue lentement. Elle a été la scène de leur bonheur, elle sera le témoin de leur malheur.


J'ai beaucoup apprécié ce roman. Tout d'abord dans sa construction, c'est un roman choral où viennent peu à peu se greffer de nouveaux narrateurs ; ensuite le lieu, la ville de Tanger, une ville cosmopolite où vivent en harmonie, Juifs, Catholiques et Musulmans. J'ai aimé la description sans concession que Tahar Ben Jelloun trace du Maroc d'Hassan II, une société basée sur la peur, « faire de la politique, c'est critiquer le roi », la religion qui interdit d'être soi-même et les traditions qui bâillonnent les femmes, où les mariages sont arrangés et où la corruption est devenue une économie parallèle et indispensable.
« Un pays où on construit plus de mosquées que d'écoles ou d'hôpitaux est un pays fini. Rien de bon n'en sortira. »


Au fil des pages, Tahar Ben Jelloun nous décrit avec une certaine dérision le couple formé par Mourad et Malika, détruit par le drame et qui se déchire jusqu'à la haine. Mais j'ai surtout été touché par le personnage de Samia, une jeune fille lumineuse, d'une grande sensibilité que personne autour d'elle n'entrevoit, sa fragilité et son besoin de solitude, elle compte sur les mots et la poésie pour la sauver de l'ennui et de la médiocrité de la société, elle ne supporte pas la pauvreté qui se manifeste partout dans la ville, trop de mendiants, trop d'enfants abandonnés, trop d'injustice. Une jeune femme à qui un être abject va prendre son corps et son âme. Un rayon de soleil dans ce récit douloureux et tragique.


Cette sombre histoire est portée par l'écriture légère, limpide et parfois souriante de Tahar Ben Jelloun.

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le 25 janv. 2021

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Yves MONTMARTIN

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