Voilà, je l'avoue, je n'avais jamais lu Lovecraft. Non, pitié, rangez vos pierres, ne me jetez pas au bûcher ! Si l'auteur, bien connu, n'est pas un must-read absolu, il était un réel manque dans mon parcours de lecteur et je dois bien avouer que depuis quelques temps, ma plus grosse souffrance face à lui était de ne pas savoir par quel bout le prendre et d'être, disons le aussi, mal informé à son propos.


Finalement c'est le recueil du Mythe de Cthulu qui m'a aidé à sauter le pas. Ayant lu les 6 nouvelles de manières assez rapprochées dans le temps et en ayant une volonté de découverte, je ne me vois pas mettre une séparation nette pour le moment entre chaque œuvre, toutes ayant composé mon jugement global et se mêlant entre elles pour mon avis final.


La première fut évidemment L'Appel de Cthulu et disons le tout net : je n'étais pas prêt à ça ! Amateur de Poe et de Maupassant, j'ai tout de suite retrouvé la plume de l'américain et l'influence du Horla. Pour autant, il y avait quelque chose de plus : un côté policier, une avancée, une suite qui faisait monter l'horreur. Le lecteur sentant cette horreur avancer. Il y avait cette grandeur de la menace. Lovecraft parvient à unir un danger gigantesque, touchant l'humanité toute entière et le sentiment d'effroi très personnel d'un narrateur qui craint pour sa vie. Ce point là se retrouvant dans les autres nouvelles de l'auteur.
L'Appel fut une claque comme la littérature n'en offre que peu, il n'est donné, chaque siècle que quelques auteurs pour en mettre de pareils et je dois bien avouer avoir découvert en Lovecraft un de ses auteurs, l'angoisse m'a saisit, le livre m'a dévoré, surpassé, je me sentais retenu par lui et obligé d'avancer tout en craignant chacun des mots qui se succéderait sur les pages.
Jamais le terme d'Horreur Cosmique ne fut plus juste ni plus judicieux. Quelle belle œuvre, quelle expérience de lecture !


Je dois bien avouer qu'après cela, les autres récits m'ont paru plus fade. Trois raisons à cela : ne nions pas que j'avais, désormais, certaines attentes et que celles-ci ne pouvaient évidemment pas se répéter facilement. Deuxièmement une certaine répétition dans la structure du récit qui faisait que si Lovecraft avait suffisamment progressé dans les années 30 pour les cacher, elles étaient évidentes dans les années 20. Troisièmement : certains sujets ne m'ont vraiment pas touché autant.
En effet, le point fort de l'Appel, selon moi, est sa vraisemblance progressive. Plus on avance dans le texte, plus il semble exagéré et pourtant plus on y croit.
Or, pour peu que le sujet de base n'arrive pas à vous convaincre, comment être séduit ? Ainsi le récit sur les rêves partait du présupposé d'une existence de l'âme, d'une vie propre d'une âme de rêveur en nous qui était si éloigné de mes conceptions que je dois bien avouer n'avoir rien ressenti du récit si ce n'est de l'ennui de fond et un plaisir de forme pour la plume si aiguisée de Lovecraft.


De même, la Tourbière a beau avoir possédé une menace qui en théorie aurait pu me plaire, dans les faits, le résultat final, les scènes d'effroi ne m'ont pas du tout figé le sang. Loin de là, guère craintif face à cela, j'étais en manque de Démons cosmiques. Mais bon, les menaces mineures ne sont pourtant pas tout chez Lovecraft.
La Couleur venant de l'Espace est parvenu, pour sa part à me séduire totalement. Si le début a peut être eu du mal (et encore, que j'ai aimé l'idée que le narrateur nous prévienne très rapidement de son renoncement) une fois le mal identifié, le voir progresser m'a totalement conquis. Quelle folie là encore dans cette menace, quel succès dans l'idée du danger, et quelle crainte, quel peur ! N'est-ce pas là le but justement de l'horreur d'imaginer des scènes si horribles, si bien peintes par l'auteur qu'on doute de notre propre imagination ? Une peur différente de l'effroi de l'Appel mais tout aussi agréable.
De même, La peur qui rode m'a conquis par cette menace, cette description progressive et ce danger une fois découvert. Quel frémissement de plaisir à lire une si belle nouvelle !


Je dois bien avouer que dans Celui qui murmurait dans les Ténèbres, j'ai acquis cette peur aussi, je l'ai senti monter avec le plaisir du lecteur qui se réjouit de voir l’œuvre fonctionner et la peur grimper. Malheureusement, vers la fin du récit, un point m'a fait totalement sortir de la nouvelle : quand le héro décide de se rendre chez son correspondant. Il est alors évident pour le lecteur qu'il y a là un piège, c'est l'évidence même, comment ne pas le voir ? Dès lors, la venue stupide d'un personnage qui ne l'est pas apparaît comme si artificiel que je suis totalement sorti du récit. Difficile d'y rentrer quand une fois sur place tous les indices pointes sur cela et que l'on devine aisément la fin de la nouvelle. Une belle déception pour moi !


Ne gardant pas de grief pour les récits qui ne m'ont pas plu, je garde en mémoire les beautés de Lovecraft, ses succès, son talent. Je met de côté la forme un peu répétitive de ses écrits, notamment les narrations qui s'insèrent les unes dans les autres, les descriptions des scènes d'horreur si semblables les unes aux autres, ainsi que les introductions bien souvent trop proches. Malgré ces quelques défauts, Lovecraft est parvenu à faire deux belles choses 1) me captiver 2) me faire vivre un réel effroi littéraire. Comment oser se plaindre face à cela ?

mavhoc
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le 27 août 2017

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