Edgar Hilsenrath est un écrivain américain d'origine juive que la France découvre depuis quelques années seulement. L'homme est vieillissant, en fin de vie, mais ses écrits eux conservent une vraie fougue, une vitalité et surtout un sens de l'incorrect.


Le Nazi et le barbier fit grand bruit, tout comme Fuck America ! narrant le destin de sa famille immigrant aux Etats-Unis. On était loin d'une vie dorée, d'une immigration joyeuse. Au contraire, Hilsenrath décrit un monde de rapines, de survie, de misère et de violence. Mais, c'est surtout avec Nuit que l'écrivain américain provoque un scandale. En particulier envers sa communauté d'origine, la communauté juive.


En effet, Nuit raconte la survie de différents personnages (Ranek, la vieille...), souvent Juifs, dans le ghetto de Prokov en Ukraine. La vision de ce ghetto est noire. On est très éloigné de l'image lisse, à l'américaine, de La Liste de Schindler. Devant la survie, plus d'humanité. On vole, on tue, on viole. Juif ou non, un homme reste un homme et lorsqu'il s'agit de survivre, au jour le jour, tous les coups sont permis. Nuit n'épargne personne, plonge le lecteur dans des scènes souvent insoutenables (dents extraites de force sur un homme à moitié mort, viols...), montre les vices de la communauté juive dans les ghettos (car ils sont d'abord hommes) et ainsi évite la posture de la victime idéale et propre sur elle.


Hilsenrath n'est pas antisémite, il affiche une lucidité sèche et brutale mais salutaire. Un pas en avant vers la réconciliation de tous. L'extrait qui suit, issu de Nuit, évoque la police juive (à la solde des Allemands) dans les ghettos. Une manière de dire "fautes partagées". Il n'y a ni victime idéale, ni coupable idéal mais des hommes avec leurs vices. Ni tout noir, ni tout blanc, un peu des deux.


"« Et pourtant » poursuivit Sigi devenu loquace, « ce n’est pas si fou que ça. Les autorités ne sont pas tombées sur la tête, et cette idée de police juive n’est pas con. Ca marche dans d’autres ghettos sous contrôle allemand. Pourquoi ça ne marcherait pas ici ? Les Roumains ont beaucoup appris des Allemands. Ils savent que la création d’une police juive donne aux rafles, comme on dit, un semblant de légalité. Tu me suis ? Si des juifs font la chasse aux juifs, ça a sa raison d’être. Pourquoi auraient-ils besoin de Roumains ? Ils peuvent nettoyer leur porcherie eux-mêmes. ». « La police juive n’est pas toute seule » dit Ranek. « Il y a encore des roumains et des Ukrainiens pour leur filer un coup de main. »".

Al_Foux
8
Écrit par

Créée

le 5 janv. 2016

Critique lue 188 fois

Al Foux

Écrit par

Critique lue 188 fois

D'autres avis sur Le Nazi et le Barbier

Le Nazi et le Barbier
Tartopom
9

Humour franc pour periode torturée.

Le sujet est horrible, les personnages dégoûtant, leurs pensées sales et leurs paroles vulgaire. Le livre est drôle, les phrases ciselées, et l'humour grinçant. La force de ce roman est de nous...

le 15 mars 2011

6 j'aime

1

Le Nazi et le Barbier
Coriolano
9

Roman burlesque sur un sujet qui ne l'est pas

Max Schulz est un vrai fils de pute. "Aryen pure souche" il se traine une tête de juif façon caricature des années 30 alors que son ami juif à lui une vrai tête d'aryen. Mais Max va prendre sa...

le 28 juin 2010

6 j'aime

Le Nazi et le Barbier
matthiasvivet
9

Critique de Le Nazi et le Barbier par Matthias Vivet

Quelle trouvaille ! Toi qui prends la peine de lire ces quelques lignes, tu ne seras pas déçu. Je vais te parler d'un livre qui ouvrira ton esprit et ton âme. Un livre qui te rendra heureux d'être...

le 18 avr. 2012

3 j'aime

1

Du même critique

La Grande Peur des bien-pensants
Al_Foux
7

Un classique du pamphlet français

Bernanos est un écrivain fascinant pour sa trajectoire, du franquisme à l’anti-franquisme pour finir dans les bras de la religion, voire du mysticisme. J’en avais parlé lorsqu’il était question de...

le 5 janv. 2016

11 j'aime

1

Le Camp des saints
Al_Foux
7

Vision apocalyptique de la France

On en reparle depuis qu’il réédite son livre le plus sulfureux, et également son livre le plus connu, Jean Raspail revient pour nous parler de ses craintes, de son attachement à ses racines presque...

le 5 janv. 2016

6 j'aime

Dialogue de "vaincus"
Al_Foux
7

Sublime

Lucien Rebatet et Pierre-Antoine Cousteau se définissaient comme des écrivains fascistes. Au lieu de les stigmatiser, et ainsi de mettre automatiquement le verrou, le livre Dialogue de « vaincus »...

le 5 janv. 2016

6 j'aime