Première incursion pour Don Winslow dans le recueil de nouvelles. Comme il l'indique lui-même dans les remerciements, l'auteur n'aurait jamais pensé à sauter le pas si on ne lui avait soufflé l'idée. C'est vrai que le sieur est plutôt réputé pour ses romans colossaux où son écriture coup de poing quadrille les zones politiques les plus épineuses. Si vous avez lu la trilogie La Griffe du Chien ou le récent Corruption, vous savez que l'écrivain ne ménage ni son lecteur ni ses personnages.
Au premier abord, on retrouve d'ailleurs l'aspect clanique et bourrin de ce dernier roman dans la nouvelle inaugurale, qui donne son titre à l'ouvrage. Impitoyable, sèche et violente; l'intrigue n'a pas besoin de faire dans l'original pour happer. Le fatalisme ensanglanté et l'inéluctabilité - grandes marottes de Winslow - imprègnent Le Prix de la Vengeance mais également Sunset, ou l'on suit la traque d'une star du surf vieillissante et déchue. Elles hantent aussi Paradise et ses protagonistes déjà croisés dans Bobby Z, Savages et L'Hiver de Frankie Machine. On les retrouve, toujours aux basques du héros essoré et de son gentleman cambrioleur d'adversaire dans Crime 101.
Quel que soit l'approche, le décor ou la finalité, la prose de l'auteur fonctionne toujours. L'ambiance est tour à tour sur le fil, en suspension et au cordeau. Difficile de résister, impossible de lâcher prise. La plume est aiguisée, voire tranchante; le verbe est charnel, ça va vite mais on a largement le temps de croquer ses personnages et de les aimer malgré eux.
Pourtant, mes deux coups de cœur iront à deux nouvelles qui prennent des voies imprévues dans l'univers de Winslow.
La première, Le Zoo de San Diego, marque la première entrée du romancier dans un registre purement comique. On pense même à du Westlake avec ce personnage de policier guignard qui a le chic pour se retrouver dans des situations improbables. C'est souvent très drôle et terriblement touchant.
Et la dernière, à l'autre extrémité, fraye sur le territoire de l'émotion pure. À mi-chemin entre le western politique et le drame intimiste, La dernière chevauchée entérine le mépris de Winslow pour l'actuel hôte de la Maison-Blanche, et met le cœur à l'amende avec sa galerie de personnages esquintés, sursitaires ou à bout de souffle. On finit la nouvelle avec les yeux encore bien embués devant la simplicité et la puissance de celle qui semble être la plus personnelle du recueil.
Un incontournable de l'année 2020, sans aucun doute. Et je l'espère, une initiative qui ne restera pas sans suite. Vu la renommée de son auteur et la réussite de l'œuvre, c'est peu probable.

ConFuCkamuS
8
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le 27 oct. 2020

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