Autant annoncer la couleur d'emblée, je n'ajoute pas ma voix au chorus de louanges dont semble jouir ce roman. Certaines lectures peuvent s'achever sur le sentiment diffus d'être passé.e "à côté", de ne pas en avoir saisi la clé, faute d'avoir trouvé la bonne longueur d'onde avec l'auteur.trice.
Ce n'est pas le cas ici, j'ai les idées très claires sur les raisons de ma dissidence.


D'abord, je n'ai pas réussi à adhérer à la psychologie de l'héroïne. Je conçois qu'on puisse avoir une nature romantique, mais Ogawa ne parvient pas à me faire croire à son personnage de jeune femme adulte de 25 ans ayant quitté sa province à 15 et qui roucoule encore avec une mièvrerie adolescente du "nid d'amour", du "mon amoureux" et du "petit ami" pour désigner un type qui sans crier gare a vidé l'appartement commun jusqu'au dernier cure-dent en laissant sa clé sur le sol du salon (au cas où le message n'aurait pas été suffisamment clair).


Que notre Rinco reste sans voix - au sens propre -, suite à la froide brutalité de cette rupture, renonce à sa vie citadine, à son travail et parte trouver refuge dans son village d'origine, passe encore. Qu'elle mette ensuite son énergie et sa passion pour la cuisine au service d'un projet singulier dont on comprend vite le rôle de baume cicatrisant soit encore aussi (même si on peut se demander d'où sort ce savoir-faire gastronomique chez quelqu'un qui juste avant assurait un "petit job" dans un restaurant turc...?).


Par contre, qu'il n'y ait aucun retour sur cette relation de 3 ans, aucune velléité à analyser les ressorts de cet échec pour en faire le deuil, grandir et se remettre en cause dans une juste mesure comme après tout grand chagrin d'amour, créé un immense et désagréable trou noir qu'un chapelet de menus sur-mesure ne parvient pas à combler.


L'incongruité d'un épilogue en queue de poisson exacerbe une dernière fois le pêché originel de ce roman censé nous conter un amour "retrouvé" sans nous faire remonter le fil de celui qui a été perdu. Elle signe aussi la difficulté de l'autrice elle-même à extirper sa prose d'une mélasse trop répétitive et de son excessive simplicité.


En conclusion, là où d'autres ont vu une sorte de conte poétique - tant mieux pour eux - , moi j'ai vu un récit trop carencé pour être délicat et trop naïf pour être charmant.
La quatrième de couverture de l'édition Picquier Poche promet avec emphase un "petit chef-d'oeuvre gastronomique et littéraire".
C'est de bonne guerre mais à mon sens, seul "Le Festin de Babette" peut prétendre à un tel éloge...


Amitiés,
Dustinette

Dustinette
4
Écrit par

Créée

le 7 oct. 2021

Critique lue 610 fois

1 j'aime

Dustinette

Écrit par

Critique lue 610 fois

1

D'autres avis sur Le Restaurant de l'amour retrouvé

Le Restaurant de l'amour retrouvé
Nomenale
8

Un endroit où le temps s'arrête

Il y a dans ce roman un côté doux amer. On part de relations et de situations classiques pour vite tomber dans le rocambolesque, une invraisemblable poésie qui donne des touches de couleur à une...

le 14 janv. 2017

6 j'aime

Le Restaurant de l'amour retrouvé
cecile0187
8

Critique de Le Restaurant de l'amour retrouvé par cecile0187

On vient de m'offrir ce livre et, je dois l'avouer, de moi-même je n'aurais pas été attirée. Rien que le titre m'aurait empêchée de lire la quatrième de couverture. Et même là, le sujet ne...

le 27 déc. 2015

4 j'aime

4

Du même critique

Un divan à Tunis
Dustinette
2

Surtout...NE PAS S'ASSEOIR!

C'est Golshifteh Farahni qui dans "Quotidien" avait titillé mon intérêt pour ce film, dont le sujet me paraissait charmant et prometteur. Vibrante, solaire et volubile dans son habit promotionnel...

le 22 févr. 2020

7 j'aime

7

À couteaux tirés
Dustinette
3

En Epingles Monté

Je suis tombée dans le panneau de l'affiche Cluedo et du casting vintage chic. Pourquoi? Parce que je suis une femme stupide. C'est quand la dernière fois que je suis sortie d'une salle obscure sans...

le 3 déc. 2019

6 j'aime

5

Les Poneys sauvages
Dustinette
8

4 Garçons dans le Vent de l'Histoire

Plus de 20 ans après m'être délectée des Trompeuses Espérances, j'ai eu envie de repartir à la rencontre de Michel Déon. Je le reconnais, il m'a fallu quelques pages avant d'être pleinement happée...

le 31 mars 2021

4 j'aime

2