Critique basée sur l'édition anglaise et initialement publiée sur mon blog : http://nebalestuncon.over-blog.com/2018/08/descent-of-angels-de-mitchel-scanlon.html


Retour à « The Horus Heresy »… Enfin, plus ou moins. Parce que ce sixième volume de la série qu’est Descent of Angels (en françouais Le Retour des anges, allons bon ?) n’a vraiment pas grand-chose à voir avec ses prédécesseurs : Horus est bien loin de tout ça, et, longtemps, l'Imperium de manière générale. Bon, le contexte temporel est approximativement le même, disons, même s’il serait plus exact de dire que, une fois de plus, nous revenons en arrière – plus drastiquement, en fait ; et, si l’on y tient, Descent of Angels n’est pas sans avoir une forme de parenté avec son prédécesseur, le plutôt convaincant Fulgrim, dans la mesure où ils se focalisent tous deux sur l’histoire d’une légion à chaque fois, dans le cas présent celle des Dark Angels.


Sauf qu’il s’agit de remonter aux origines de cette légion, et ça change tout. Seul le dernier tiers, au plus, du roman (voire le dernier quart), l’inscrit dans le contexte de la Grande Croisade (et bien avant que Horus ne se mette à déconner). Ce qui précède, le cœur du roman, c’est ce qui s’est produit avant la création de la légion des Dark Angels, sur Caliban, une planète isolée et ne disposant pas de technologie spatiale – une planète qui ne sait absolument rien de l’Empereur et de ses space marines, les Adeptus Astartes. Dès lors, l’approche de Descent of Angels, sur l’essentiel de sa longueur, relève bien davantage d’une forme de planet opera – à moins qu’il ne soit plus juste de parler de fantasy, car il s’agit d’un monde outrancièrement archaïque, sur un mode féodal et chevaleresque, avec de braves guerriers qui se lancent dans des quêtes consistant à fritter des monstres pour protéger la paysannerie.


En effet, le monde de Caliban – dont les légendes rapportent qu’il a été colonisé il y a longtemps par des hommes en provenance d’une lointaine planète appelée la Terre, mais qui pourrait dire au juste ce qu’il en est ? –, ce monde donc, assez densément boisé, est en proie aux assauts des « Grandes Bêtes », des créatures monstrueuses qui n’ont que ce titre de commun : chacune est parfaitement unique – et parfaitement à même de ravager toute une contrée, tuant et tuant des dizaines voire des centaines de pauvres bougres ; on y suspecte la griffe du Chaos comme de juste, enfin, le lecteur, car les habitants de Caliban n'en ont jamais entendu parler. Depuis des temps immémoriaux, des ordres chevaleresques protègent le quidam contre ces monstres – ce sont des institutions très conservatrices par essence. Puis est créé l’Ordre, sans autre précision : l’Ordre ne s’attache guère à la noblesse, et ouvre ses portes aux roturiers désireux de faire leurs preuves et de servir les leurs en combattant les Grandes Bêtes. L'Ordre gagne rapidement en influence, en suscitant la méfiance voire l’hostilité ouverte des autres groupements de chevaliers.


Mais, quand le roman débute, avec l’initiation de notre personnage point de vue, le jeune Zahariel (enfin, il sera notre point de vue sur la quasi-totalité du roman, hors très brèves mises en situation çà et là, jusqu’à ce que Mitchel Scanlon, dans la dernière partie, décide de ne pas se faire chier avec tout ça), la situation sur Caliban a radicalement évolué : Luther, un des plus brillants chevaliers de l’Ordre, a découvert dans la forêt un jeune homme au potentiel surhumain – destiné à devenir le plus grand guerrier de Caliban… en laissant Luther lui-même dans son ombre. L’enfant prodige est Lion El’Jonson (j'ai un peu de mal avec ce nom...), et nous savons d’emblée qu’il s’agit du futur primarque des Dark Angels, un de ces « enfants de l’Empereur » dispersés on ne sait trop comment à travers la galaxie par les Puissances de la Ruine (voilà bien un point du background de Warhammer 40,000 qui m’a toujours laissé hautement perplexe…). Lui ne sait rien de tout cela, comme de juste. Mais c’est un meneur né, qui bouleverse l’ordre des choses : le vieux système, avec des chevaliers revendiquant ponctuellement des « quêtes » consistant à éradiquer une unique Grande Bête, ne lui convient pas. Lui proclame une grande quête visant à l’anéantissement de toutes les Grandes Bêtes – au risque (qu’il néglige ostensiblement) de bouleverser toute la structure de la société sur Caliban. Bien sûr, cette quête constitue d’une certaine manière un écho de la Grande Croisade qui fait rage en dehors de Caliban, et dont Lion El'Jonson ne sait absolument rien…


Et, parce que la vie est bien faite, les space marines déboulent sur Caliban pile au moment où la dernière Grande Bête est abattue. L’Empereur ne tarde plus guère, Lion El’Jonson reconnaît « son père », et devient le primarque des Dark Angels, dont nombre de membres ne sont pas, comme dans les autres légions, des rejetons-éprouvettes de leur primarque (si j’ai bien tout compris ?), mais des chevaliers de l’Ordre, trafiqués génétiquement a posteriori (enfin, pas tous – car ce traitement aurait été fatal à certains) pour acquérir les capacités surnaturelles caractéristiques des Adeptus Astartes.


Après quoi le roman rapporte une histoire remontant aux premiers temps de la légion des Dark Angels dans le cadre de la Grande Croisade, une histoire aussi convenue que vous pouvez le supposer – ce qui s'est passé sur Sarosh, un monde qui proclame haut et fort qu'il entend intégrer l'Imperium de l'Humanité, comme les Adeptus Astartes l'exigent, mais qui fait pourtant preuve d'une certaine mauvaise volonté. Ce récit, en même temps, ne fait qu’appuyer sur le fait que Mitchel Scanlon est globalement passé à côté de son sujet, ai-je l'impression : Sarosh se « rebelle » (et plus si affinités) parce que Caliban ne l'a pas fait, c'est tout juste si cette dernière a bougé le petit doigt, dans une séquence tellement isolée et sans suites qu'elle en a quelque chose de presque absurde, et indubitablement fainéant.


Ben oui : ce roman est mauvais. Très mauvais, même. On me l’avait dit, et ça s’est putain de vérifié. Pourtant, ça aurait pu être pas si mal… En quelques endroits, j’ai voulu y croire… Ouais, je suis bon public. Mais non. C’est qu’il souffre de plusieurs travers, et l’un d’entre eux porte sur le contexte : c’est un roman Warhammer 40,000 dans lequel le riche univers de cette licence est totalement absent sur les deux tiers voire les trois quarts du volume. En soi, ça n’aurait pas été forcément un problème, si le cadre précis du roman avait été habilement travaillé – et l’idée même à la base du roman n’était pas mauvaise en tant que telle ; cette histoire des « Grandes Bêtes » est un peu absurde, mais aurait pu donner un truc amusant, et, sur un mode sans doute plus convenu, les rivalités philosophiques entre les ordres chevaleresques auraient pu fournir au moins un socle de matière a minima… C’est parfois presque le cas – mais bien trop rarement. Finalement, Descent of Angels n’est jamais à cet égard qu’un énième planet opera sans saveur ; la plus-value Warhammer 40,000, il n'en bénéficie que bien tardivement.


À ce stade, Descent of Angels aurait pu n’être que médiocre – mais il est véritablement mauvais, pour diverses raisons attachées à la forme. Mitchel Scanlon, disons-le, écrit comme mon cul. « Hey, c’est du Warhammer 40,000 ! On s’attend pas à du Proust ! » Certes pas – et je ne prétendrai pas que la star Dan Abnett, ou Graham McNeill, sont des stylistes habiles et subtils, faut pas déconner non plus. Seulement, ils savent faire ce qu’ils font, indéniablement. C'est pro. Mitchel Scanlon, non… C’est d’une lourdeur pachydermique, d’une maladresse de tous les instants ou presque, bourré de petits pains qui, en s’additionnant, constituent l’entrepôt d’une grosse boulangerie industrielle – avec la même saveur.


Mais le pire, dans tout ça – et là, ouais, vous allez dire que je suis gonflé, vu mes articles –, c’est la redondance. Mitchel Scanlon se répète en permanence. La moindre information donnée dans le texte y est répétée deux ou trois fois – je vous jure que je n’exagère pas. Pour donner un exemple un peu au pif, pas spécialement tiré d’un passage précis du bouquin mais qui illustre bien le souci, voici : la narration prend ses distances avec Zahariel pour expliquer de manière impersonnelle que les dernières Grandes Bêtes vont être tuées dans l’année ; ensuite un personnage, mettons Luther, explique au jeune Zahariel que les dernières Grandes Bêtes vont être tuées dans l’année ; après quoi Zahariel perdu dans ses pensées songe que les dernières Grandes Bêtes vont être tuées dans l’année. C’est peu ou prou systématique, oui. Et infernal, à ce stade.


Mathématiquement, le roman aurait ainsi pu et dû être écourté des deux tiers au bas mot. Il aurait alors constitué une novella un peu fade au regard de son propos initial, mais raisonnablement lisible. Descent of Angels est hélas interminable, et d’une lecture très pénible.


Un mauvais cru, donc – très mauvais : le pire roman Warhammer 40,000 que j’aie lu jusqu’à présent, et de loin.


Le septième tome de la série est Legion, de Dan Abnett – les retours sont assurément plus enthousiastes ; nous verrons bien, d’ici quelque temps…

Nébal
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le 30 août 2018

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