Suite à la découverte du corps de Marianna Van Wijk, ressortissante néerlandaise retrouvée morte dans les décombres d’un immeuble incendié, le commissaire Tetsuo Otani est invité à venir faire le constat sur place. La raison en est que les restes de la victime abritent une photographie de la famille Otani (le commissaire, sa femme et leur jeune petit-fils) photographié sur une attraction de fête foraine. Le commissaire se souvient parfaitement de cette sortie mais pas d’avoir jamais croisé la jeune néerlandaise qui, de plus, ne passe pas inaperçue du fait de sa belle stature. Il en conclut que la photographie a été prise à son insu, mais il n’en comprend absolument pas la raison. L’enquête fait apparaître que la néerlandaise est la seule victime de l’incendie, car à part elle, l’immeuble était vide d’occupants. Autre élément apparaissant assez rapidement, l’immeuble incendié appartenait à un groupe local de yakuzas. Très plausible, l’hypothèse d’un incendie volontaire camouflé en accident afin de toucher une prime d’assurance, n’explique absolument pas la présence sur place de cette néerlandaise qui séjournait au Japon pour des études.
Ce roman signé James Melville (1931-2014) s’avère assez étonnant et intéressant. James Melville est le nom de plume de l’Anglais Roy Peter Martin qui fut chargé de mission en Indonésie, puis au Japon où il travailla pour le British Council de Tokyo et de Kyoto. Mieux, en poste à Kyoto, il est appelé pour l’identification du corps d’un ressortissant britannique assassiné. Il s’aperçoit qu’en fait la victime était Américaine et il n’aura plus de nouvelle de cette affaire qui lui servit néanmoins de déclic pour l’inciter à écrire des romans policiers. Il apparaît assez évident que cette anecdote l’inspire pour la présente histoire, même s’il vaut mieux préciser qu’il ne s’agit pas de la première enquête du commissaire Otani. En effet, la série commence avec Le prix de la sérénité (1979). Et, puisque le présent roman met en scène le commissaire ainsi que plusieurs membres de sa famille, il faut savoir que quelques notes renvoient aux précédentes enquêtes du commissaire, sans que cela gêne la lecture.
La façon de faire de James Melville est intéressante à détailler. Déjà, s’il situe son intrigue au Japon, dans la ville d’Osaka, c’est qu’il connaît bien le pays et ses habitants. La lecture s’avère parfaitement convaincante et met en scène des Japonais dans un pays moderne qui ne renie pas son héritage culturel. D’autre part, le style est agréable et même épuré. On sent la volonté de donner un maximum d’informations pour situer les personnages, leurs caractères, leurs goûts, leur passé, leur environnement, leur époque et même les décors.
L’écrivain est de ceux qui s’avèrent capables d’en dire beaucoup sans pondre un pavé, ce qui est agréable. D’autre part, il s’arrange pour faire progresser son intrigue au fil de chapitres de longueurs raisonnables, en apportant systématiquement des informations qui donnent à réfléchir. De plus, il ménage le suspense jusqu’à la fin. Il me paraît très difficile de deviner dans quelles conditions et pourquoi Marianna Van Wijk a trouvé la mort. De toute façon, plusieurs pistes sont explorées par les collègues d’Otani. Celui-ci étant indirectement impliqué, son supérieur lui demande de se mettre en retrait de l’enquête. Ce en quoi il obéit, mais à sa manière, ce qui nous vaut un échange très savoureux avec son supérieur peu avant la fin, car le supérieur n’est pas dupe des explications qu’Otani lui donne. Dans la manière de James Melville, je note son habitude de commencer ses chapitres par des dialogues en cours, ce qui n’empêche pas d’identifier rapidement qui s’exprime et sur quel sujet. Il s’agit d’une incitation à rester attentif en cours de lecture. Dans le même ordre d’idées, le titre français est une retranscription fidèle du titre original The Reluctant Samouraï dont il faudra attendre la fin pour comprendre l’intention de l’auteur.