Les héritiers de l’Aube est un superbe roman d’aventure, on ne peut qu’être emporté par son panache !

L’histoire se déroule au fil d’une lecture aisée et sans temps mort. Le principe du voyage dans le temps est ici exploité à fond, jusque dans les détails psychologiques et dans les tournures de langue des personnages. La couverture est très accrocheuse et se poursuit sur le dos et le quatrième de couverture. La fumée verte qui flotte sur les héros annonce des péripéties d’ordre fantastique, ce qui se vérifie tout à fait : un contexte réaliste, des interventions magiques. On retrouve la magie Fomoré chère à l’auteur.

Nous commençons le roman de manière très naturelle en suivant le jeune Alex, apprenti journaliste idéaliste, un garçon d’aujourd’hui. Dès la fin du chapitre 1 il se trouve face à des « monstres » qui l’enverront en mission dans le passé. Pour les fan des Haut-Conteurs, nous reconnaissons ici les deux spectres de moines que l’on a fréquenté dans les tomes 4 et 5 de cette série (les tunnels maléfiques Fomoré par exemple). Personnages étranges, ils ne sont pas réellement agressifs, mais pour le moins ambigus. Nous découvrons ensuite au fil des pages deux autres héros : Laure, qui vient du XVIIIe siècle, fille fort habile et maline, et Tom, le garçon débrouillard du XIXe siècle, sorte de petit Oliver Twist gouailleur. Tout l’intérêt des interactions entre ces trois là vient du décalage permanent entre leurs cultures d’origines. Ainsi Tom, habitué à se battre pour sa survie, paraît rustre à Alex, et Laure femme libre en son siècle lui semble conservatrice. Quant à eux ils trouvent facilement Alex prétentieux avec les « connaissances historiques » qu’il peut leur asséner sur leur époque et leur futur. Les expressions vont aussi être souvent sujet de dispute ou de rire. J’ai relevé avec plaisir le « je ne te dis pas… » d’Alex, repris par Laure : « pourquoi ne le dis-tu pas ?». C’est vrai que la prétérition est bien un signe de notre temps. Toutes leurs interactions sont prétexte à de savoureux échanges.

Nos héritiers se retrouvent donc tous trois dans une époque qu’ils n’arrivent pas au départ à appréhender. Ils savent être en époque médiévale (c’est vaste). Laure semble là plus à même de les aider à survivre dans ce temps. C’est seulement en arrivant à Paris, au terme d’un voyage éprouvant qu’ils pourront se repérer, ils sont en pleine guerre de cent ans. Le personnage de Nicolas Flamel est introduit dans l’histoire et le Paris de l’époque est restitué dans tous ces détails : les rues, les combats, la mort omniprésente, les factions rivales. La carte dessinée en deuxième de couverture est belle, mais il vaut encore mieux se laisser porter par les descriptions lors de cette arrivée. On apprécie fortement par contre le tableau des personnages (Armagnacs et Bourguignons), placé en tête du chapitre d’entrée dans Paris. La profusion des personnages à partir de ce moment rend nécessaire d’avoir les idées bien claires sur les forces en présence.

Dans cette époque les trois se débrouillent plutôt bien. Les objets « du futur » jouent aussi un rôle important. Les pistolets de Laure sont vus comme des « bâtons du diable », le briquet d’Alex comme la preuve qu’il est le maître de l’enfer. Leur statut de « sorcier », du point de vue de l’époque, leur cause parfois du tort, mais plus souvent les tire d’affaire. Quand à la sorcellerie, ils en sont en partie pourvus. En effet les « héritiers » sont bien détenteurs de pouvoirs, latents, qu’ils doivent apprendre à contrôler. Ils en ont bien besoin au vue de leurs ennemis. Car un bon roman tient par des méchants de grand calibre, tel Hermès. La première scène d’attaque du démon dès le chapitre 3 laisse des frissons dans le dos. Par la suite nos trois alliés font face à la meute terrifiante des « cagots », monstres noir et filiformes, et sans yeux, créés par le démon. Ils seront poursuivis tout au long du roman par ces êtres qui cherchent comme eux une pierre magique, pour la rapporter à leur maître. Hermès quant à lui peut prendre la forme de n’importe qui, ce qui rend difficile à prévoir ces attaques. Mais les humains « mauvais » ne sont pas en reste pour se mettre sur le chemin des héros, comme Tonin le Cramoisi chef sanguinaire qui donnera l’occasion d‘une scène de combat époustouflante sur les hauteurs de Notre-Dame. Alex y affronte en duel ce guerrier redoutable sur un arc-boutant au dessus du vide. Enfin deux sortes de chimères, créés par un maléfice dont je ne peux rien dire pour ne pas vous gâcher la surprise, viennent fondre sur Paris au cœur même des combats des hommes : torches humanoïdes et gargouilles. Du grand spectacle.

Finalement lors du chapitre ultime un moment historique particulièrement important est abordé pour l’apothéose du combat final. Là encore l’auteur se plaît à marier les détails historiques véridiques avec les éléments fantastiques de son récit. En refermant le livre on se dit que cette aventure au XIVe siècle était bien haletante et l’on a hâte de retrouver nos héros. De fait on s’attache au cours du récit à ses personnages. Une femme forte qui se tire toujours d’affaire, un garçon plein de surprise mais encore espiègle, un jeune homme courageux et qui fait le lien avec le lecteur.

En bref, j’ai adoré ce livre que je recommande chaudement. ;)

-J’y crois pas ! maugréa Alex en s’asseyant dans la paille épaisse qui parsemait la vieille grange.

-A quoi ne crois-tu pas ? s’enquit distraitement Laure, affairée à découper les tranches de lard du bout de sa dague.

-Laisse tomber c’est une expression de mon époque. Ces guenilles puent tellement le bouc que, si je respire par le nez, je vais tomber raide. Et je ne te parle pas du parfum de cette bestiole.

-Tu exagères objecta-t-elle en jetant un regard amical au cheval qui broutait à trois mètre d’eux. J’admets que les vêtements du soudard sentent fort, mais l’odeur des bêtes est chose naturelle. Auriez-vous perdu le goût de la bonne vie, dans ton futur ?
ClaireLadoc
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le 1 déc. 2013

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ClaireLadoc

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