Le Tatouage est la première nouvelle à succès de Junichiro Tanizaki. En France, elle est éditée conjointement aux Jeunes Garçons et au Secret, dans un petit recueil de 130 pages, coûtant moins de 10€. Parfait pour découvrir l’oeuvre de Tanizaki, que je connaissais, pour ma part, via la lecture du Chat, son maître et ses deux maîtresses, accompagné par Le Petit Royaume et le double Professeur Rato.


On est ici face à des œuvres très différentes qui annoncent toutes les trois un profond plaisir à parler de fétichisme et de perversité. C’est donc un recueil qui tourne autour du fétichisme avant tout, quand bien même les trois œuvres sont très différentes : la première est contemplative, la seconde totalement tournée vers l’apprentissage du fétichisme et la dernière se tourne au contraire vers un récit romanesque à souhait.



Annonciatrice mais légère, le Tatouage m’apparaît comme la moins intéressante. En à peine plus d’une dizaine de pages, où nous dépeint la vie d’un maître tatoueur, obsédé par la beauté et qui, ici, offre à une future femme fatale, son ultime tatouage. Portant sur la beauté ultime que l’on peut chercher et annonçant le fétichisme des pieds de Tanizaki, la nouvelle n’a finalement pas grand-chose pour elle.


Les Jeunes Garçons est bien plus direct et va beaucoup plus loin. Le narrateur est un jeune garçon d’école primaire, qui va devenir l’ami d’un riche enfant, dont le statut social l’éloigne du reste de ses camarades de classe. Derrière la beauté de ce jeune fils de riche, il va découvrir une force de caractère réel et un goût pour la domination, à travers des jeux enfantins qui vont, petit à petit, révéler des plaisirs sado-masochistes et des fétichismes liés à la condition animale, voir à la scatologie.

Le quatuor de personnage fonctionne très bien et jamais Tanizaki ne tombe dans de l’érotisme réel, tant il s’intéresse plutôt à dépeindre la découverte par l’enfant de cette curiosité qui conduira, on le devine, à une vie sexuelle fort différente.

Finement écrite, la nouvelle permet de jouer avec beaucoup de perversion assez typique de ce que l’érotisme japonais a pu offrir à travers les siècles.

C’est pour moi le véritable temps fort du recueil.


Le Secret est inspiré de l’écriture d’Arthur Conan Doyle, sans que cela ne soit caché. Un homme qui s’ennuie part vivre dans un quartier méconnu de Tokyo où il va petit à petit s’amuser à se travestir. Derrière le fétichisme du travestissement, c’est bien plutôt le goût du romanesque qui apparaît : quand une ancienne maîtresse resurgit dans sa vie, il va tout faire pour découvrir qui elle est réellement et où elle habite, le tout en s’amusant des rendez-vous nocturnes et de l’ambiance digne d’un écrit policier de leur situation.

C’est ça qui est intéressant : si Tanizaki parle encore d’une forme de fétichisme ici, il se concentre avant tout sur le désir que l’on peut avoir d’une vie d’aventure, d’une vie où la narration serait celle d’un écrit policier. C’est ce goût de l’aventure qui parcourt le livre plus qu’autre chose et c’est assez bien mis en avant, il faut le dire.


Un recueil de nouvelles très surprenantes qui, je pense, ne peut que laisser un goût marqué notamment à cause des Jeunes Garçons. Je déconseillerai de découvrir Tanizaki avec ces textes qui risqueraient peut-être de trop heurter la sensibilité d’un lectorat non-préparé.

mavhoc
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le 22 juil. 2025

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