Peut-on vraiment qualifier Jean-Claude Dunyach de prince tant, même ce titre, semble étriqué au regard de son talent ? Ce quinquagénaire toulousain qui œuvre toujours au sein d'un grand conglomérat aéronautique est un grand poète. Auteur de chansons à ses heures, c'est surtout dans la littérature de science-fiction qu'il est connu comme un, sinon le meilleur nouvelliste français du genre. Ce n'est point son ami Ayerdhal qui démentira ce titre largement reconnu dans la profession.

Les éditions de l'Atalante ont décidé il y a maintenant quelques années d'éditer toutes ses nouvelles dans une série de recueils. On peut ainsi suivre la progression de l'auteur. C'est donc du cinquième recueil dont je vais vous parler. Après « La station de l'Agnelle », « Dix jours sans voir la mer », l'inégalable « Déchiffrer la trame » et « Les nageurs de sable », c'est « Le temps, en s'évaporant » qui clôture ma lecture, toute provisoire, de l'œuvre de Jean-Claude Dunyach. En effet, « Séparations » est le sixième opus qui n'est pas encore en ma possession vu qu'il vient juste de paraître. Il est certain que je ne manquerai pas d'en commenter le contenu prochainement.

La première des huit nouvelles de ce recueil s'intitule « Le temps, en s'évaporant ». On y découvre un monde où le temps s'est arrêté. Une vallée est préservée de cette fin de l'histoire, mais son temps est compté et chaque journée qui passe la rapproche de l'inéluctable fixité de l'éternité. Qui peut donc rendre l'espoir aux habitants, de la foi du muezzin ou des histoires du conteur ? Peut-être est-ce la femme qui les réunit qui peut sauver ce monde. La femme donne la vie, elle doit bien pouvoir la prolonger. Un très beau conte philosophique écrit d'une plume pleine de poésie et de force à l'endroit des illusions qui mènent la vie des hommes.

Dans « Le jour où Orson Wells a vraiment sauvé le monde » vous découvrirez comment la guerre des mondes s'est réellement déroulée. Un récit jubilatoire, plein de références amusantes comme Jean-Claude Dunyach sait si bien les faire. Le recueil se poursuit avec « Des raisons de revenir » où il est question d'un retour dans la maison familiale. Le lieu où l'on a grandi, nous laisse toujours une trace au cœur. Une fois sur place, il faut de nouveau se faire accepter sans pour autant se faire reconnaître. Ah, si seulement maman n'avait pas envahi l'espace avec ces fichues maisons de poupées...

« Le client est roi », même dans le royaume magique qui est le pendant du nôtre. Il n'est pas facile pour un troll dont la spécialité est l'exploitation minière de devoir se plier à cet adage, surtout quand le client demande en bonus un dragon. Encore une autre nouvelle pleine d'humour et de références. Pour ce qui est des « Oiseaux », nous ne sommes pas dans le cauchemar hitchcockien mais dans un village loin de tout où un magicien arrive. Ce n'est pas un magicien ordinaire. Un magicien ordinaire fait apparaître des oiseaux, celui-ci donne aux oiseaux une forme humaine, mais la magie dure-t-elle toujours et surtout est-il plus magicien qu'oiseleur ?

Dans « l'âge d'or du réel » nous suivons l'ultime Mécanaute. Créé en des temps immémoriaux, son intelligence a su se détacher des mécanismes qu'il occupait. Il a depuis pris bien des formes de celle d'énergie pure à celle qu'il occupe actuellement. Choisissant ses pièces dans les vastes décharges sidérales que sont les champs de batailles laissés par les êtres organiques, il se construit, se reconstruit. Il attend la fin de l'univers qui se contracte sur lui-même. Il est le dernier être vivant et ne sait que faire en attendant de disparaître à son tour. Peut-être trouver un compagnon de jeu pour faire l'ultime guerre...

« Le lapin sous la pluie » nous conte en moins de deux pages pleines d'émotion comment un père peut aimer son enfant et la protéger, quitte à y laisser sa propre vie. Certes l'enfant a encore tant de choses à apprendre, notamment quelle est sa vraie nature...Dans « Un vœu pour la fey », enfin, nous sommes à la fois dans une bonne histoire de fantasy et un joli conte écologique. L'exercice est réussi et plaisant à lire.

Passant de la science-fiction classique à la fantasy, émulsionnant tout cela de pointes d'émotion et d'humour, c'est une cuisine bien agréable aux yeux que nous présente Jean-Claude Dunyach qui, une fois de plus, nous fait montre des multiples facettes de son talent de conteur et d'écrivain. Un recueil qui ne laisse pas son lecteur insensible et où on sent bien son envie de faire partager ses rêveries.
Bobkill
8
Écrit par

Créée

le 13 nov. 2010

Critique lue 174 fois

Bobkill

Écrit par

Critique lue 174 fois

Du même critique

Antimanuel d'économie 1
Bobkill
10

L'économie autrement

Avez-vous déjà entendu parler de Bernard Maris ? Certes on ne le voit que trop peu sur les plateaux de télévision, mais cela n'en fait pas pour autant un homme que les médias indiffèrent. Il a écrit...

le 18 déc. 2010

14 j'aime

2

NonNonBâ
Bobkill
10

Touchante NonNonBâ

Je n'avais jusqu'à présent jamais écrit sur une bande-dessinée. Plus encore, je n'avais jamais lu de manga. Aussi, pour cette première, j'avais porté mon attention sur un des maîtres du manga, le...

le 22 déc. 2010

12 j'aime