Les désastres qui s'ensuivirent appartiennent à l'histoire officielle de Terrèbre...

Dans ce second tome du cycle des Contrées, souple suite du premier, Jacques Abeille nous entraîne dans une cité ancienne et complexe, capitale de l'empire de Terrèbre, dans le sud lointain des pays des « Jardins statuaires ». Un héros improbable, récent immigrant dans cette métropole nourrie de la ville de Bordeaux familière à l'auteur, se voit assigner une étrange mission de « veilleur du jour » dans un édifice qui est beaucoup plus que ce qu'en indiquent les premières apparences... Intrigue amoureuse et érotisme, beaucoup plus marqués dans ce deuxième volume, rythment une trame qui se révèlera aussi au fond beaucoup plus politique qu'il ne semble, où la sombre guilde des Hôteliers et l'empire barbare que l'on avait vu en gestation jouent pleinement leur rôle... Déroutant par moments, le cheminement est pourtant d'une sûreté implacable, pour une conclusion inattendue, résonnant avec celles du « Rivage des Syrtes » ou du « Désert des Tartares »...
Le style précis et imagé d'Abeille se développe encore, prenant par moments des accents dignes du meilleur Saint-John Perse, et parfois un souffle de l'ironique érudition d'un Borges.
« Alors il s'engageait heureux et d'un pas plus confiant dans la paix des banlieues. Le tissu des établissements humains se desserrait et s'usait. On ne rencontrait bientôt plus que de petites maisons isolées dans des jardins clairs parmi lesquels les chemins bifurquaient et, plus profondément encore, des venelles poudreuses à jamais immobiles entre des murettes bancales qui enserraient des potagers toujours déserts. »
« - Tu es un somnambule ; tu ne sais rien, tu ne vois rien et pourtant chacun de tes pas est infaillible. Quelque chose t'attend, j'en suis sûre à chaque mot que tu prononces. »
« Lui regardait toujours la voûte. Il eut le sentiment qu'il avait découvert un secret dont la présence dans une conscience humaine, et non plus seulement à la surface muette des pierres, retentissait comme un scandale qui rouvrait des hostilités inhumaines et hors d'âge entre des puissances monstrueuses. »
« - Et vous êtes le héros du bien ?
- Non. Présenter les choses ainsi ne pourrait que faire sourire. Je dirais plutôt qu'il est l'homme du projet et moi celui du sacrifice, ou encore qu'il est le profanateur et moi le magicien. L'existence de chacun borne celle de l'autre et nos entreprises se contrecarrent sans qu'aucun de nous puisse prétendre en dresser l'exact bilan. »
Et la terrible phrase finale : « Les désastres qui s'ensuivirent appartiennent à l'histoire officielle de Terrèbre. On ne saurait en donner le détail, si vaste est un pays ravagé. »
La suite dans « Les Barbares » et dans « Les voyages du Fils » !
Charybde2
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le 1 sept. 2011

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