Le Vent de nulle part est, si je ne m'abuse, le premier roman de l'immense et récemment disparu J.G. Ballard, et par la même occasion la première de ses quatre apocalypses. Toutefois, si Le Monde englouti, Sécheresse et La Forêt de cristal ont été il y a peu réédités chez Denoël dans la collection Lunes d'encre, ce n'est pas le cas de ce volume-ci, du fait même de la volonté de l'auteur, qui l'a semble-t-il plus ou moins renié. La légende, il est vrai, veut que ce roman ait été écrit très vite, et ne soit pas à la hauteur des suivants... Cela dit, ce n'était pas suffisant pour me dissuader de le lire. Dégotant le roman plus ou moins par hasard dans une excellente librairie parisienne, j'ai – sans surprise – vite craqué, acheté et lu la chose.

Adonc. Cette fois, c'est le vent qui conduit l'humanité à sa perte. Un vent terrible, qui ne cesse de souffler, et de gagner en vitesse. Bientôt, la Terre se retrouve en proie à un prodigieux ouragan permanent, toujours plus dévastateur. Le vent impitoyable lacère les immeubles, anéantit les villes et emporte et déchire les humains désespérés qui se risquent à l'extérieur.

L'humanité trouve alors refuge dans les sous-sols... pour un temps. Mais elle doit alors faire face à la famine et à la maladie... Et il y a pire : dans ce monde en fin de droits, le plus impitoyable ennemi de l'homme reste peut-être l'homme lui-même...

L'histoire du Vent de nulle part, un brin décousue, nous est rapportée par une poignée de ces réfugiés, parmi lesquels on retiendra notamment le docteur Donald Maitland et le commandant de submersible Lanyon. Ce seront nos guides – comme toujours assez passifs, mais peut-être un peu moins que d'habitude... – au sein de cette terrible apocalypse, et c'est à travers leurs yeux que l'action se dessinera, faite de cauchemars sans nom, de l'improbable espoir d'une chute du vent, et du mystère représenté par la tour Hardoon.

Eh bien autant le dire de suite : si Le Vent de nulle part est un roman parfois un peu bancal dans sa construction et si sa fin, abrupte, peut laisser un peu sceptique, ce n'en est pas moins une lecture tout ce qu'il y a de recommandable. Certes, on n'atteint jamais ici la puissance, la richesse et le profondeur du Monde englouti ou de La Forêt de cristal, mais il n'en reste pas moins que Le Vent de nulle part vaut à mon sens bien Sécheresse.

L'air de rien, J.G. Ballard nous a concocté avec ce roman qu'il aurait semble-t-il souhaité voir oublier un cauchemar saisissant, très visuel, évoquant le meilleur du cinéma-catastrophe. Si l'action se montre à l'occasion un brin répétitive, et si le style se montre encore un peu terne, on se laisse dans l'ensemble prendre par le récit de l'auteur, qui sait régulièrement nous concocter quelques très belles scènes cataclysmiques, qui marquent durablement. Et c'est d'ailleurs peut-être, des quatre apocalypses, le roman où Ballard a su le mieux nous dépeindre une humanité aux abois, sombrant progressivement dans le désespoir le plus total.

Rien d'exceptionnel, peut-être (encore que...), mais assurément rien de honteux. N'en déplaise au principal intéressé (qui est mort, hein, alors, bon), Le Vent de nulle part vaut toujours aujourd'hui d'être lu, et ne nuit en rien à la qualité globale de l'œuvre de celui qui fut à n'en pas douter un des plus grands écrivains du XXe siècle.
Nébal
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le 4 oct. 2010

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Nébal

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