Voilà le genre de roman d'où je sors avec un sentiment d'irréalité qui colle durablement à l'âme !


Roman du mystère et d'une certaine forme de fantasmagorie, "Les Belles Endormies" narre comment Eguchi, 67 ans, se rend sur les conseils d'un ami dans une maison secrète, où dans une chambre secrète est profondément endormie une jeune fille à l'identité secrète. En effet, dans cette maison pleine de mystère où l'on entend bruisser le feuillage des arbres et mugir le vent et les vagues contre la falaise, des jeunes femmes et des adolescentes sont intentionnellement droguées et profondément endormies par une mère-maquerelle dans le but de permettre à des vieillards impuissants de dormir auprès d'elles. S'ils ne peuvent les pénétrer, les caresses, les fantasmes ou un simple repos dans la contemplation de la jeunesse sont permis à ces hommes séniles que guette la mort. Au fil de ces nuits sous ce toit étrange, Eguchi, moins décrépi que les autres habitués des "Belles Endormies", voit évoluer ses sensations et ses émotions. Les filles dont il rejoint la couche dans la chambre secrète tendue d'écarlate sont belles, très jeunes, inaccessibles à la conscience, vulnérables et soumises. Pour Eguchi, les côtoyer est d'abord l'occasion de se sentir reverdir au contact charmant de la prime jeunesse féminine, puis l'opportunité de s'évader vers des réminiscences oniriques qui le confrontent à ses rapports aux femmes tout au long de son existence.


Là où la réalisatrice Julia Leigh a vu et mis en scène dans son film "Sleeping Beauty" une lecture contemporaine et japonaise du conte "La Belle au Bois-Dormant", je n'ai vu quant à moi qu'une façon poétique d'aborder les thèmes de la vieillesse et de la mort auxquels se rattachent les notions de remord, de regret, d'illusion, de domination, de rêve et d'espérance. J'ai d'abord été touchée par la poésie de ce scénario improbable - impossible ? - puis j'ai été heureuse que le roman soit court car un malaise, né de ma propre féminité, a commencé à naître en moi. Je dis bien malaise et non trouble car à aucun moment je ne me suis sentie émue ou concernée par la volupté inhérente à ce récit.


Eguchi utilise ses cinq sens pour admirer les "Belles Endormies" et les descriptions de l'auteur sont vraiment très belles, sensuelles et érotiques sans être dégradantes mais j'en suis venue, à la fin de ma lecture, à la conclusion qu'il faut peut-être - sans doute ? - être un homme pour pleinement comprendre - et apprécier ? - la densité d'un tel roman. Reste l'écriture qui est remarquable ; elle sert à merveille l'irréalité du récit et transmet tour à tour au lecteur sa pesanteur ou sa légèreté, avec talent.

Créée

le 5 sept. 2019

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Gwen21

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