Adapter l'univers de H.P Lovecraft sous un format graphique, ça ne date pas d'hier. Et même si les tentatives se font rares, elles sont généralement et unanimement reconnues comme qualitatives, dépassant souvent celle du récit d'origine.


Les exemples ne manquent désormais pas, que ce soit l'une des premières incursions dans la bande dessinée avec le célèbre Les Mythes de Cthulhu de Alberto Breccia, paru en 1974, ou même très récemment dans la sphère manga avec les Chefs D'œuvres de Lovecraft dessinés de la main experte de Gou Tanabe. Impossible de ne pas non plus mentionner le trait moderne de François Baranger sur son adaptation de l'appel de Ctulhu, paru en 2017 chez Bragelonne !


Vous l'aurez compris, l'univers développé par le Fou de Providence est une source intarissable d'adaptation diverses et variées, donnant toujours du grain à moudre à de nouveaux artistes émergents. Derrière les horreurs cosmiques, il y a le plaisir de l'exercice stylistique, l'envie d'expérimenter.


Et s'il y a bien un nouvel artiste à suivre de près, dont les adaptations graphiques revêtent ici un intérêt différent d'un Tanabe ou d'un Breccia, c'est bel et bien Almar Gaulme et ses Carnets Lovecraft. Ici, le travail d'adaptation est presque anthropologique, ironique quand on sait que c'est justement la profession d'origine du monsieur.


Après avoir adapté les nouvelles Dagon, La Cité sans Nom, Les Rats dans les Murs et Le Molosse, le voilà qui rempile avec la célèbre nouvelle Le Festival, parue en 1925 !


Cette nouvelle offre une plongée dans la ville lugubre et boueuse de Kingsport, connue pour ses cavernes stygiennes aux relents de moisissures et de miasmes. Au cœur de ces ténèbres fangesques, un jeune homme y pénètre sur invitation de sa famille, et se retrouve acteur d'une procession étrange à travers la ville. Une procession païenne plus vieille que l'histoire de l'humanité, et dont les tenants et aboutissants échappent à toute logique de compréhension humaine.


Treize ans avant d'écrire le Cauchemar d'Innsmouth, Lovecraft dévoile pour la première fois une ville par laquelle aucune rail de tramway ne passe, et dont on préfère ne jamais pénétrer les carrefours et chemins sinueux. Il en profite aussi pour nous dévoiler son célèbre livre maudit par lequel tout le savoir corrompu de l'humanité passe, le Necronomicon.


Nouvelle charnière dans l'édifice Lovecraftien, l'illustrateur Armel Gaulme rend honneur à cette histoire ainsi qu'à la prose de Lovecraft, et exploite à merveille le côté "carnet de voyage" de ses illustrations. Loin de déposer un amoncellement de dessins sans grande logique, Gaulme travaille son atmosphère et confère à cette procession macabre une aura mystérieuse et tribale comme je l'avais imaginé.

Cette nouvelle collection éditée par Bragelonne est donc une petite pépite indispensable pour les amateurs de Lovecraft ou les néophytes, délivrée dans un format carnet en dur de taille raisonnable !


Le-Maitre-Archiviste
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le 21 janv. 2023

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