Quoi qu’on en dise, le cinéma bis reste encore très méconnu du grand public. Même si depuis le diptyque grindhouse de Tarantino/Rodriguez en 2007 il est de bon ton de lui rendre hommage ("Rubber", "Black Dynamite", "Dolemite is My Name", "Mad Heidi"…) force est de constater que les livres sur le sujet se comptent sur les doigts d’une main – par comparaison, il doit bien exister une bonne centaine d'ouvrages sur Godard...

Quant aux livres consacrés exclusivement au cinéma d’exploitation US, autant dire qu’il en existe très peu… En français on peut citer le « Blaxploitation, 70’s Soul Fever » de Julien Sévéon paru en 2008 (et épuisé depuis longtemps), la biographie de Roger Corman « Comment j’ai fait cent films sans jamais perdre un centime » enfin traduite en 2018, et le mien « Drive-in & Grindhouse cinéma 1950’s-1960’s » de 2017.

Quelle bonne initiative dès lors que la parution du dernier numéro de Toutes les couleur du Bis consacré à « 80 Classiques du cinéma d’exploitation US » (n°13 décembre 2022).


Entièrement rédigé et mis en page par un passionné de films déviants en tous genres, Stéphane Erbisti, ce numéro vient combler un vide abyssal. En 108 pages l’auteur nous propose une introduction pédagogique suivie d’un survol érudit de la production bis américaine des années 1910 aux années 1980, en 80 titres plus ou moins connus, classés de façon chronologique avec synopsis et analyse. Le ton est sympathique, le style agréable et surtout chaque entrée est illustrée d’une affiche couleurs et d’un photogramme toujours particulièrement bien choisi (de manière à nous donner un bon aperçu du film). Ajouté à cela un papier glacé de qualité, une bonne mise ne page (sans aucune faute d’orthographe) et un format adéquat qui permet de trimballer ce petit livre partout, et vous aurez un objet tout à fait indispensable pour n’importe quel cinéphile curieux qui se respecte.

D’autant que Stéphane semble tout à fait passionné par son sujet qu’il traite avec respect et sans condescendance mal placée, comme c’est souvent le cas pour ces productions fauchées et de « mauvais goût ». Qui plus est, il ne s’arrête pas seulement aux histoires et thèmes des films mais évoque aussi à l’occasion leur aspect formel. Au final, il propose un bon aperçu de cette filmographique qui gagne à être connue ne serait-ce que d’un point de vue historique et sociologique (ah ces films d’hygiène sexuelle !). A ce propos, j’ai découvert quelques films des années 30-40 dont j’ignorais la teneur, comme par exemple ce "Because of Eve" (1948) qui, après vérification (merci YouTube) offre effectivement des images assez crades et insoutenables de sexes « vérolés » en gros plan…


Seul bémol peut-être, le projet a les défauts de ses qualités, à savoir qu’il ne propose qu’un survol de cette production foisonnante, allant de "Traffic in Souls" (1913) à "Frère de sang" (1982), avec quelques déséquilibres : 21 films pour les années 30 et seulement 1 pour les années 80. On comprend, et on apprécie aussi, que des films anciens et peu connus ait été privilégiés, mais quand même...

Bref, vous l’aurez compris, je vous conseille grandement ce petit compagnon de route savoureux qui se lit comme on pioche dans une boite à bonbons. Pour les profanes ce sera une bonne entrée en matière, et pour les geeks du genre, qui ont déjà lu entre autres Drive-in & Grindhouse cinéma 1950’s-1960’s, ce sera un objet de collection de plus à ranger dans votre bibliothèque, tout prêt du hors série collector de Mad Movies « spécial Grindhouse » dirigé par Julien Sévéon en 2007.

Régis Dubois


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le 21 févr. 2023

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