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J'avais ouvert Retour à demain en me demandant si je parviendrais à faire abstraction de la réputation sulfureuse de L. Ron Hubbard. Finalement, quelques pages avaient suffi pour me convaincre que derrière le fondateur de la Scientologie se cachait bien un romancier. La lecture de Terre champ de bataille ne peut que le confirmer. Dissocions donc le gourou de l'écrivain et, le temps de ce billet, concentrons-nous sur son œuvre de fiction.


Avant d'entrer dans le vif du sujet, faisons d'abord un détour par la préface. L. Ron Hubbard commence par rendre un bel hommage aux auteurs de l’Âge d’Or de la science-fiction. Puis, après avoir ravivé l'éternel débat sur la différence entre SF et fantastique, avoir fait l'éloge de ces registres, en avoir souligné les qualités et s'être penché sur les raisons pour lesquelles il est indéniable qu'il s'agit avant tout de littérature, il confesse toutefois avoir écrit Terre Champ de bataille dans l'unique but de distraire et de se distraire. Voilà le lecteur prévenu.


Publiée dans les années 80, cette vaste fresque épique nous propulse dans notre lointain futur. Depuis mille ans déjà, la Terre a été conquise et dévastée par les psychlos, une race extraterrestre brutale qui exploite les ressources naturelles de la planète. Réduits à quelques poignées de survivants éparpillés sur le globe, les humains survivent tant bien que mal. C'est dans ce contexte que le lecteur fait la connaissance de Jonnie Tyler, un jeune homme révolté par la soumission de son peuple et bientôt capturé par Terl, un psychlo violent et ambitieux. Il l'ignore alors mais cette captivité sera le premier pas vers le soulèvement des humains. En effet, Jonnie va tourner la situation à son avantage, apprendre la langue et la technologie des envahisseurs et organiser la rébellion. La lutte peut alors commencer !


L'auteur n'a pas menti - son roman est du pur divertissement. Durant environ 1500 pages et trois volumes dans son édition française en poche, il développe une intrigue captivante, pour ne pas dire addictive. Pourtant, l'action ne s'encombre pas toujours de cohérence et le contexte est par moments totalement bancal. On pourrait même dire que tout son univers vacille sur ses fondations. Quant aux personnages, ils sont caricaturaux au possible et adoptent souvent des comportements absurdes ou déconcertants. Et, pour couronner le tout, la langue n'est pas exactement d'une grande finesse. Pour faire simple, on est dans de la très, très grosse cavalerie. Rien n’y est discret, rien n’y est mesuré, tout y est amplifié. Mais ça fonctionne. Et ça fonctionne même très bien. Il faut dire que la narration fluide, l’abondance de rebondissements et les fins de chapitres savamment construites font qu’on se laisse emporter sans résistance par ces pavés d’un autre temps.


En refermant le dernier volume, on réalise que ce monument un peu kitsch, bruyant et déraisonnable a quelque chose du plaisir coupable assumé : on voit les coutures, on repère les ficelles, on sourit parfois malgré soi, mais on tourne les pages avec une facilité déconcertante. Et c’est précisément ce paradoxe qui fait le charme de l'ouvrage et la saveur de l’expérience. Malgré ses maladresses, ou peut-être grâce à elles, le roman dégage une énergie brute, presque primitive, qui rappelle la vocation première du genre dans lequel il s'inscrit : capturer le lecteur et ne plus le lâcher. On se surprend à savourer ces excès, à accepter ce déluge d’action porté par un élan sans faille, où l’efficacité l’emporte sur la subtilité. Et c'est peut-être là, finalement, la réussite la plus inattendue de L. Ron Hubbard : rappeler que la littérature populaire peut encore offrir ce qu’elle promet - une évasion totale, naïve parfois, excessive souvent, mais diablement efficace.


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TmbM
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le 8 déc. 2025

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