Les Lais du Beleriand - Histoire de la Terre du Milieu, volume 3 par Kliban
Je suis un inconditionnel de la série des HoME (History of Middle Earth). La note ci-dessus vaut pour l'original anglais, je n'ai pas lu les traductions - les traductions de Tolkien me déçoivent tellement que j'ai perdu l'habitude de le lire en Français.
Les lais du Beleriand, ce sont les premiers états des deux grands récits au cœur de ce que Tolkien a construit autour de ses premières langues : Les enfants de Hurin - dont une version bien plus tardive a récemment été publiée - et le Lay of Leithian, précurseur de l'histoire de Beren et Luthien, et dont les strates anciennes sont... pour le mois surprenantes.
Les volumes de HoME forment une série étrange, découvrant peu à peut et chronologiquement les strates très complexes d'un projet et une des écritures de l'imaginaire les plus riches du XXè siècle : on oscille constamment entre le plaisir critique de découvrir une œuvre in statu nascendi et le double dépaysement marqué par l'écart constatée par rapport à ce qu'elles est devenu, et les récits eux-mêmes, qui, tout ébauches soient-ils, présentent déjà une richesse narrative et poétique des plus satisfaisante.
Évidemment, cela s'adresse à des fous de l'œuvre. Peut-être en ai-je une vision déformée, mais je vois mal qui n'aurait pas lu le Silmarillion entrer dans ces "Lais du Bélériand". La forme poétique peut dérouter. On se fait vite, pourtant, autant aux décasyllabes allitérées de Beowulf (peut-être en réplique saxonne des octosyllabes du même tonneau du Kaleval) du Hurin qu'aux rimes à nos oreilles plus classiques du Lay of Leithian. Et la forme au son mêlé engendre l'image : si ce n'était parfaitement anachronique, on pourrait se croire à Rivendell (Fondcombe) un soir de chant des chants anciens.
J'en garde un excellent souvenir - quand bien même, ainsi que pour tous les ouvrages de cette série, il faille en permanence passer des textes eux-mêmes, au commentaire savant sur leur composition et l'état, à l'ehure de leur composition, des conceptions de Tolkien sur le monde qu'il sub-créait. Tout en gérant la frustration de tout lecteur face à un texte inachevé, dont la lecture débouche sur un grand vide - Critias de Platon, Satyricon de Pétrone, etc.