L'histoire de Psyché est l'une de ces histoires où n'eut été du physique avantageux de ladite demoiselle, il n'y aurait pas eu d'histoire. Un constat récurrent dans les histoires liées aux Héros et aux Dieux de l'Olympe, quand il s'agit de femmes. Et comme il s'agit également du Dieu Éros, le parallèle entre l'amour lié au physique est donc très présent, ce qui rend le tout profondément superficiel. Bien sur que le physique compte dans une moindre mesure dans le sentiment amoureux, mais de là à lui donner toute la place, il y a des limites.


Psychée est la benjamine d'un roi grec. Comme elle était adorable, sa mère eut l'idée de faire comme si sa plus jeune fille était d'une laideur effroyable afin de duper les déesses aux tendances jalouses. Mais un coup de vent balaie un jour le voile que porte la jeune princesse et les habitants y voit Aphrodite, déesse de la beauté. Quand le roi consulte un oracle, ce dernier lui conseil de sacrifier sa fille au monstre de l'océan, un hydre, afin de s'épargner la colère de la déesse. Seulement, la princesse n'est pas dévorée vive, elle se retrouve quelque part dans un lieu douillet et luxueux, mariée à un homme qui refuse de se faire voir d'elle.


La dimension à mon sens la plus intéressante - mais aussi la plus déplorable - était l'exercice de manipulation des sœurs de Psyché contre elle, motivées par des sentiments assez peu nobles telles que la jalousie et l'amertume. Je constate que dans les récits de la mythologie grecque, les femmes semblent rivales bien plus qu'épaules de soutient et c'est déplorable. Être la plus belle, être la plus adulée, en quoi y a t-il quoique ce soit de noble dans ce genre de pensée? Bref, heureusement que Déméter, Athéna et consoeurs sortent du lot, qui malgré leurs tendances pas toujours sympathiques, ont au moins un peu plus que "je suis plus belle que les autres" à la bouche. Bref, les sœurs de Psyché donc, usent de stratagèmes pour faire douter Psychée de sa chance, l'invite à briser l'interdit de voir son époux, bref, font douter de tout, surtout de ses perceptions. En clair, ce qu'elles font ressemble beaucoup à du détournement cognitif ( Gasligting), une forme de violence psychologique qui consiste à manipuler la personne pour lui faire douter de sa santé mentale. Pauvre Psyché, qui porte si bien son nom. Elle qui ne voulait, au final, qu'être proche de ceux qu'elle aime. Et les soeurs s'en sont servi contre elle. Quelle cruauté. Ça, ça résonne dans l'humanité, très certainement, car nombre de manipulateurs intéressés sont excellents pour se servir des émotions et sentiments des autres pour servir leurs intérêts.


Reste que, quand on regarde sa manie de ne pas être capable de suivre des consignes simples, comme ne pas regarder tel ou tel élément, Psyché est ( pas mal) idiote. Un personnage très larmoyant, apitoyée et facilement suicidaire. C'est curieux, comme on désigne la psyché humaine par son prénom, je me serais davantage attendu à une femme plus "cérébrale", mais en fait, elle est beaucoup plus guidée par ses émotions qu'au chose. C'est un personnage qui a clairement manqué de reconnaissance et d'affection, en raison de cette idée vraiment terrible de lui faire croire qu'elle est laide pour la préserver des Dieux. Elle est par conséquent en quête d'amour, mais ironie de la chose, quand elle l'obtient, elle trouve toujours le moyen de le perdre. Psyché me semble donc un personnage naïf, fragile et incapable de raisonnement logique. Même quand elle porte son enfant, elle trouve le moyen de vouloir attenter à ses jours, et ce, malgré tout le support et l'aide qu'elle trouvera. Quand elle est au fond, elle se bat, mais quand elle est aidée, elle renonce. J'ai trouvé difficile de suivre un personnage aussi contradictoire et dont la seule qualité véritable est cette "beauté" qu'elle maudit. Une femme incapable de trouver le bonheur par elle-même. Un navrant modèle féminin.


La fin du livre contient des extraits intéressants, dont celui sur la signification du mythe de Psyché comme souffrance née de l'amour, précisent même que c'est Éros lui même qui induit cette souffrance en la malmenant ou en la torturant. Oh. Charmant. Personnellement, ça ce n'est pas de l'amour, c'est du pur sadisme et du narcissisme, mais bon, avec tous les romans qui glorifient la relation toxique et violente ces temps-ci, c'est peut-être la vision de nombre de gens de croire que l'amour est remplie de souffrances et tourments? Bref, je dois dire que toute cette idée de la passion déraisonnable et douloureuse ne m'interpelle pas du tout, je n'ai donc pas spécialement trouvé cette histoire inspirante ou pertinente. Et surtout, déplaisante. Des histoires de jalousies cruelles et de stupides filles trop penchée sur leur miroir, il y en a déjà tellement en littérature sentimentale, franchement. On est du pour un sérieux ménage de printemps dans notre modèle amoureux idéal, surtout qu'il en existe plusieurs infiniment plus beaux, pertinents et sains.


Par ailleurs, "amour", entendons-nous, on n'a pas de réelle relation ici. Psychée et Éros ( son mystérieux époux) se trouvent beaux et "s'aiment" sans aucunes raisons. C'est tout. Vraiment tout. Ni confiance, ni atomes crochus, pas de complicité particulière, pas de conversations profondes, zéro projets communs. Psyché en vient même à manipuler Éros, tandis qu'il la contraint à sa façon de faire, alors pour le respect, on repassera. Bref, ils ont une bonne compatibilité au lit. Pas de quoi s'émoustiller, finalement. Je pense que je comprend même l'ennui de Psyché. La passion est éphémère et le sexe sans profondeur devient blasant, donc devant son mari si intangible, elle doit se sentir biens seule.


Il y a aussi cette idée de la curiosité chez la femme qui est une fois encore ramenée sur le plancher: Psyché, à deux doigts d'arriver à ramener la boite contenant un peu de la beauté de Perséphone - Reine des enfers - et non, décide de l'ouvrir. Ah, mais voyons, pourquoi ce sabotage? On a déjà le mythe de Pandore sur cette question en plus. Était-ce vraiment utile à l'histoire cette dimension? N'est-elle déjà pas accablée de son manque de qualités et de cervelle cette pauvre Psyché, pourquoi lui mettre aussi une curiosité déraisonnable sur le dos?


Je suis donc très peu impressionnée par cette interprétation du mythe de Psyché, mais en même temps, sa symbolique me désespère par sa bêtise. L'amour douloureux, je n'y crois pas. Certes, aimer quelqu'un, parent, ami ou amant, vient avec la notion de compromis et d'une forme d'abnégation, en ce sens où on devient capable de faire passer certains besoin de l'autre avant soi, mais cela vient aussi avec de la réciprocité. Ici, tout ce qu'on a est du gros béguin purement physique. C'est puéril et tellement premier degré. En somme, je trouve qu'on valorise encore une fois un amour nuisible et superficiel. Parce que, quand on y pense, enfermer quelqu'un loin de tout, s'en servir juste la nuit pour satisfaire des désirs charnels et lui interdire de poser des questions, c'est cruel, même si Psyché est dans un château, même si elle a des servantes. Une prison dorée, est-ce là ce qu'on souhaite au coeur amoureux?


Côté texte, la plume est satisfaisante, mais le rythme quelque peu alourdit par les péripéties qui trainent en longueur.


Je me pose la question, mais est-ce que ce larmoyant mythe d'amour souffrant intéressera mes lecteurs du niveau Intermédiaire en librairie? Je me demande. Je pense que je vais le monter au lectorat adolescent.


Un roman qui repose une des vieilles bases du patriarcat, à savoir que la femme n'a qu'une valeur, celle de son physique. En tout cas, pour une "Histoire noire de la mythologie", c'est effectivement effrayant. Digne d'un roman d'horreur, certes pas un roman d'amour. Je ne souhaite à aucune personne de vivre ce genre de relation.


Pour un lectorat adolescent, premier cycle secondaire, 12-15 ans+

Shaynning

Écrit par

Critique lue 2 fois

Du même critique

Heartstopper
Shaynning
6

Critique de Shaynning

Cette Bd, qui a un format de roman, donne le ton dès sa couverture: deux gars qui sont appelés à se rapprocher malgré des looks plutôt différents. Même les couleurs illustrent d'emblée la douceur de...

le 24 févr. 2023

4 j'aime

Le Réveil du dragon - Brume, tome 1
Shaynning
8

Critique de Shaynning

Incontournable BD Jeunesse Juillet 2023Quel petite pépite cette BD. Une introduction originale, un personnage principal de type témoin, une petite sorcière dont la confiance en soi n'a d'égal que ses...

le 30 juil. 2023

3 j'aime

2