L'étreinte du serpent

Après son remarquable roman "Que sur toi se lamente le Tigre" (2020), Émilienne Malfatto publie l'année suivante ce récit poignant 'd'entre les morts' : "Les serpents viendront pour toi", où elle cite en exergue ce quatrain d'Omar Khayam :

"Contente-toi de savoir que tout est mystère:

la création du monde et la tienne,

la destinée du monde et la tienne,

Souris à ces mystères comme a un danger

que tu mépriserais .

Ne crois pas que tu sauras quelque chose

quand tu auras franchi la porte de la Mort.

Paix à l'homme dans le noir silence de l'au-delà."

Émilienne Malfatto sort de l'anonymat des statistiques cette femme, Maritza, un processus identificatoire avec sa propre mère favorisant cet intérêt. Elle placera donc toute son énergie dans l'enquête rigoureuse qu'elle mènera, parfois sur la corde raide, afin de reconstituer la vie de Maritza et de comprendre son assassinat, elle qui était devenue leader sociale sur le tard, après une vie cabossée, bringuebalée, dans un monde de pauvreté et de survie. L'autrice en fait le symbole et la victime du fonctionnement socio-économique du pays, véritable cocktail explosif, où pullulent les groupes armés, les paramilitaires, les narcotrafiquants (la Colombie demeure le premier pays producteur de cocaïne au monde) et l'armée régulière plus ou moins corrompue. Un texte prenant, comme un long article jounalistique poétisé.