Les Sources par chmur

J’avais beaucoup aimé son précédent roman, "Histoire du fils". Je viens de lire celui-ci et j’ai été séduit à nouveau. Ce que j’apprécie chez cette romancière, c’est son art de distiller doucement, lentement l’information. Et c’est ce qui permet d’être envahi de doutes, d’attentes. Marie-Hélène Lafon nous résume la vie, ou plutôt les vies d’un fermier violent, de sa femme et de leurs trois enfants en trois ou quatre journées et en environ cent-dix pages. Et cette parcimonie dans la distribution de l’information va entraîner bien sûr de nombreux non-dits, des pans entiers d’ombre sur ces vies. La romancière a opté pour cette technique du point de vue interne, pas très éloignée du flux de conscience, mais en alternant les personnages, on aura d’abord accès au point de vue de l’épouse, puis plus tard à celui de son mari et enfin à l’une de leurs filles. Présenter ainsi le point de vue d’un personnage ne signifie nullement qu’on y adhère : ainsi, dans cette deuxième partie, cette deuxième journée, qui prend place des années plus tard, même si nous suivons la voix intérieure du père, c’est avec une certaine distance, parfois ironique. Ces sauts dans le temps, le récit se concentrant sur quelques journées distantes de nombreuses années, introduisent également des ellipses, nous resterons ignorants du devenir ultérieur de la mère, nous en saurons peu sur le fils, un peu comme si le temps dans sa fuite inexorable effaçait tout de nos vies… là encore, c’est l’une des qualités de ce roman que je recommande chaudement. La romancière maîtrise ces techniques de narration avec ce style très caractéristique qui lui est propre.