Les éditions traditionnelles de Cicéron regroupent ses lettres selon leurs destinataires, ce qui a conduit à les éditer en plusieurs groupes distincts : les Lettres Familières (divers correspondants), les Lettres à Brutus, les Lettres à son frère Quintus, et les Lettres à Atticus, le plus célèbre des amis et des correspondants de Cicéron.

L'édition publiée dans les Classiques Garnier, lors de la grande vague de renouvellement de ses traductions entre 1930 et 1940, respecte ce découpage, lui-même hérité de la réimpression de l'ancienne collection Panckoucke. Cette manière de classer les lettres de Cicéron ne répond plus au type de curiosité que nous pouvons adresser aujourd'hui à sa correspondance. Non seulement, d'une série à l'autre, aucun ordre chronologique n'est respecté, mais il clair que, comme ici dans les Lettres Familières, même les missives adressées au même correspondant, et placées à la suite les unes des autres, ne sont pas disposées dans l'ordre chronologique !

Le recueil de la correspondance de Cicéron intègre de nombreuses lettres de ses correspondants, ce qui permet de se rendre compte comment écrivaient des Romains qui n'étaient, pour certains, nullement écrivains, mais politiciens ou militaires. Les principaux correspondants des livres VII à XI sont Trébatius, Caelius, Varron, Dolabella, Paetus, Plancus, Lépide, Decimus Brutus et Caelius. Ils couvrent les années 55 à 43, avec une grosse majorité de lettres pour les trois dernières années de la vie de Cicéron.

Cicéron traite ses affaires immobilières, donne des nouvelles politiques de Rome à ses amis éloignés, redoute les entreprises perverses de ses ennemis jurés : Clodius, puis Antoine. Il scrute avec attention le retour de César de la Guerre des Gaules, contemple avec accablement la naissance et les développements de le guerre civile, prend le parti des Pompéiens aristocratiques, qu'il identifie à la défense de la République romaine. Il s'enthousiasme à l'assassinat de César, et soutient chaleureusement ses assassins, leur écrit des lettres pleines d'un amour civique, mais tremble devant l'habileté de Marc Antoine, vengeur de César. Les lettres à Plancus, à Lépide, à Décimus Brutus, à Caelius, en dépit de leur désordre chronologique, témoignent bien de l'incertitude angoissée où se trouvait Cicéron devant les retournements du sort des armées entre les « républicains » (qu'il soutient), et Marc Antoine (qu'il traite de soudard débauché). Après s'être cru en position de force, Cicéron s'attriste devant les défaites inattendues des armées républicaines (bataille et siège de Modène), et l'habileté de Marc Antoine à se rallier des généraux républicains qui étaient partis se battre contre lui.

On y perçoit les difficultés des délais liés à la transmission des lettres, les souffrances des soldats privés d'une nourriture suffisante, les craintes des généraux sur leur fidélité, et la nécessité de bien récompenser les armées pour conforter cette fidélité. Ce marchandage de l'adhésion des soldats préfigure l'instabilité des pouvoirs impériaux faits et défaits par les armées sous le Bas-Empire...
khorsabad
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le 12 févr. 2012

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