Loin de chez moi par jmlaffont

Qui pourrait nier le grand intérêt que présente le récit de chacun des reportages que Maryse Burgot a choisis pour rédiger son livre de témoignage ?

Ce n'est pourtant pas sans un certain agacement que j'ai lu les passages autres que la narration brute des faits et celle de l'émotion de la reporter devant les situations extrêmes auxquelles elle a été confrontée sur le théâtre des opérations.

A commencer par le sous-titre de l'ouvrage "Grand reporter et fille de paysans". Le volet "fille de paysans" est si vite expédié que l'on peut se demander pourquoi l'avoir ainsi mis en avant. "Grand reporter et mère de famille" aurait été sans doute mieux indiqué tant la journaliste évoque ses deux fils à tout moment de son récit. Des enfants que paradoxalement elle quitte pour des semaines dès leurs tout premiers mois, comme cela a été le cas pour l'aîné qui a passé son deuxième Noël sans elle qui se trouvait alors en Irak. A chacun ses choix de vie mais renoncer à voir grandir ses propres enfants afin de signer des reportages que bon nombre de confrères et de consoeurs auraient pu assurer sans que cela leur coûte en terme de vie familiale me semble relever avant tout d'une quête du sensationnel que Maryse Burgot ne cache même pas. Ainsi peut-on lire à la page 160 : "Je me lève le matin chez moi en me disant que je vais peut-être couvrir le jour même un évènement incroyable en France ou ailleurs dans le monde." Bien évidemment, j'émettrais les mêmes réserves pour un reporter masculin.

Irritante aussi cette fausse modestie qui transpire trop souvent même si le courage de la reporter est digne d'admiration lorsqu'il lui faut témoigner dans un pays en guerre au mépris du danger.

Dans un tout autre registre, je n'ai pu m'empêcher de rire quand je lis à propos de l'affaire Strauss-Kahn : "Je ne suis pas une journaliste spécialisée en politique intérieure, c'est peut-être pour cette raison que je n'ai jamais vraiment prêté attention aux rumeurs concernant son attitude avec les femmes." Quelle retenue dans ce "peut-être" ! Est-il vraiment indispensable d'être "spécialisée en politique intérieure" 5 ans après la parution de "Sexus politicus", essai dans lequel DSK est nommément cité, pour ne pas ignorer ce dont ont entendu parler bien des gens ne possédant pas la moindre carte de presse ?

Malgré toutes ces réserves, je tiens à souligner combien cette lecture est instructive, tant sur le plan de l'actualité contemporaine que sur celui de la vie d'un reporter et de son équipe technique.