Maîtresse est avant tout le récit d'un destin de femme, celui de Manon, femme de planteur. L'histoire se déroule en 1828, époque où la condition féminine était plus que médiocre (si tant est qu'elle soit meilleure aujourd'hui, mais c'est une autre affaire…) et elle nous fait ainsi part de ses déboires conjugaux. J'ai trouvé que ce thème manquait franchement de profondeur : la relation avec le mari et ses mécanismes sont survolés, et les conséquences de son statut de veuve ne sont explicitées que superficiellement. J'aurais attendu plus de détails sur la vie quotidienne des femmes de l'époque, un peu plus de faits en somme. Cette période est, à mes yeux, riche d'enseignements, mais j'ai souvent eu l'impression que l'auteure n'était pas assez documentée pour créer une véritable atmosphère crédible et se focalisait donc sur la vie intérieure de Manon. Sur ce plan, je reste donc sur ma faim. En revanche, j'ai beaucoup apprécié d'avoir un point de vue sur la relation des femmes de maîtres aux esclaves. Ces épouses sont elles aussi opprimées, mais elles semblent pourtant incapables d'empathie pour des êtres qui partagent leurs vies et sont réduits au rang d'animal… c'est vraiment très troublant, et je pense que cela en dit long sur la nature humaine… Malgré ses mésaventures, Manon se bornera à considérer ses bonnes avec mépris, même lorsque sa vie dépend d'elles ou qu'elles ont bercé son enfance… Ce sujet est assez rarement traité (je veux dire, en adoptant le point de vue des femmes) et cela m'a beaucoup fait réfléchir.
L'histoire, en revanche, est assez décevante : rien de nouveau sous le soleil des plantations, en somme… Les péripéties sont assez molles et sans intérêt et l'on se demande tout le long si la trame a réellement une importance. En outre, les personnages sont abordés de manière assez superficielle, et leur malheur traduit de manière répétitive (combien de fois Manon se jette t-elle sur un lit ou prend t-elle sa tête entre ses mains?). Ce manque de profondeur m'a beaucoup dérangée, car je n'ai absolument pas pu m'attacher à la femme de planteur délaissée mais creuse ou à la servante opprimée mais dénuée d'instinct maternel et d'émotions quelconques. Le roman se lit bien, mais le suspens est loin d'être haletant et c'est une lecture que l'on peut faire avec beaucoup de recul.
Concernant le style, je l'ai trouvé un peu trop moderne pour l'époque où est censé se dérouler l'action et surtout lapidaire. Aucune image, des phrases très courtes mais pas pour autant percutantes. Tout ça est finalement assez descriptif et impersonnel.
Camille_Buracco
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le 31 août 2014

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Ellimac Micha

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