Max est à la fois l'ovni et le roman choc de la production jeunesse de cette année. Assez impressionnant, il ne plaira pas à tout le monde et il ne faudra pas le mettre entre toutes les mains.


Le programme Lebensborn, ça vous dit quelque chose ? C'est ce que Himmler avait mis au point pour peupler l'Europe d'Aryens. On choisissait les femmes les plus blondes, les plus grandes, les plus belles, aux yeux les plus claires, à la peau la plus blanche. On les mettait dans des chambres avec des soldats allemands triés, eux aussi, sur le volet et, neuf mois plus tard, on récoltait les futurs représentants de la race suprême que l'on élevait dans des heim. Plus tard, on enleva aussi les enfants Polonais qui pourraient faire l'affaire, histoire de grossir les rangs. À six ans, les gamins intégraient des Napola, sorte d'école militaire pour enfants, où on leur enseignait à être forts, combattifs et obéissants, avant de les envoyer au front dès seize ans. Ou bien, de beaux couple d'Allemands les adoptaient, les plus hauts placés dans la société ayant l'embarras du choix, les demandes d'adoption des gens normaux étant jetées quasi automatiquement.


« Notre Führer bien-aimé a dit : « Nous devons construire un monde nouveau ! Le jeune Allemand du futur doit être souple et élancé, vif comme un lévrier, coriace comme du cuir et dur comme de l'acier de Krupp ! »
Voilà, c'est exactement ce que je veux : être souple. Élancé. Vif. Dur. Coriace. Je mordrai au lieu de téter. Je hurlerai au lieu de gazouiller. Je haïrai au lieu d'aimer. Je combattrai au lieu de prier. Oh ! Mon Führer, je ne veux pas te décevoir ! Je ne te décevrai pas ! D'ailleurs, il faut que je me ressaisisse. Pourquoi ces craintes ? Elles sont ridicules, injustifiées, il est évident que je vais ressembler à ma maman. » page 9


C'est comme ça que Max parle, avant même de naître. Car notre narrateur est le premier bébé à naître dans le cadre du programme Lebensborn. Avant qu'Hitler lui-même ne le baptise, sa mère l'appellera Max. nous suivrons Max tout au long de sa croissance, de son éducation, son apprentissage. Ce ne sera pas facile. Pour nous, lecteurs. Parce que, pour lui, tout va bien. Encore fœtus, il croit déjà en Hitler comme en un dieu tout puissant, il veut réussir à tout prix, sans s'embarrasser d'une mère, de sentiments, de doutes. Il veut être fort, le plus fort, le plus méritant, le meilleur élément dans le projet fou de Himmler.

Et c'est ça qui pourra être difficile, perturbant, à lire. Un fœtus pro-Hitler, ce n'est pas tous les jours qu'on en croise, il faut s'y faire. Il faut se faire aussi à son langage : avant sa naissance, il parle déjà comme s'il avait quinze ans (et « cette salope d'infirmière » par-ci, et « ces pourritures de Juifs » par-là...). On suivra son histoire, celle de l'Allemagne nazie, celle du programme Lebensborn et celle de son seul ami, Lukas, le Juif qui se fait passer pour un Allemand, de la naissance de Max le 19 avril 1936 à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Et même s'il faudra un temps à certains (il m'en a fallu) pour s'habituer et entrer vraiment dans le roman, je vous assure que, par la suite, ça fuse. Ce n'est pas le page-turner le plus agréable du monde, vu le sujet, mais c'est le genre de livre qu'on ne peut plus lâcher une fois qu'on y est bien installé. Si tant est que l'on puisse bien s'y installer.

Sarah Cohen-Scali, habituée des romans ado, signe une fable crue, violente, tellement énorme qu'on a du mal à y croire mais malheureusement si réaliste. Une note, à la fin du livre, nous renseigne sur la majorité des personnages qui ont réellement existé, dont Lukas (Salomon Perel dans la réalité), l'adolescent juif qui s'est miraculeusement fait passer pour un Aryen, qui s'est battu sur le front avant d'intégrer un collège d'élite des jeunesses hitlériennes. Elle précise également dans cette partie que les grands pontes du programme ont été jugés à la fin de la guerre, mais que le tribunal allié n'a pas retenu le « caractère criminel » du Lebensborn et les a relâchés.


Comme je vous le disais au début de la chronique : Max est un livre coup de poing, l'ovni jeunesse de cette année, un roman incroyable qui a le mérite d'apprendre quelque chose aux jeunes générations sans que ce soit rebutant comme un documentaire. Percutant et rudement bien écrit, c'est un livre important dans la production jeunesse, de surcroit au moment où Mein Kampf est sur le point de tomber dans le domaine public.
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le 12 août 2013

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