« le plus grand roman érotique anglais de l’âge d’or du libertinage » dixit l’éditeur. Son auteur, John Cleland, l’a écrit en 1749 alors qu’il était emprisonné pour dettes. L’ouvrage demeurera son seul succès et le rendra riche, lui évitant de retourner au cachot. Le récit est tellement « audacieux » pour le puritanisme anglais que la perfide Albion n’autorisera sa publication officielle qu’en 1963. En France, c’est Apollinaire, au début des années 20, qui offrit la première édition érudite de Fanny Hill, lui donnant par la même ses lettres de noblesse littéraire. Dans la version d’Apollinaire, les passages les plus « compromettants » étaient relégués en notes de bas de page. Cette édition de Bernard Pascuitto peut donc être considérée comme la première publication intégrale et non expurgée de ce que nombre de lecteurs considèrent comme un chef d’œuvre.

Pour créer le personnage de Fanny Hill, Cleland s’est inspiré de Fanny Murray, une prostituée de 17 ans qui était l’idole des aristocrates londoniens. Sous la plume du romancier, Fanny raconte ses expériences à travers deux longues lettres où elle décrit sa vie misérable à la campagne, son arrivée sans le sou dans la capitale, son initiation dans une fameuse maison close puis sa spécialisation dans les orgies les plus débauchées. On suit donc au fil des pages la transformation d’une oie blanche en prostitué de luxe. Mais le récit s’attarde également sur les considérations liées au savoir-vivre. Fanny insiste longuement sur la bonne attitude à adopter face à une clientèle haut de gamme et exigeante. L’intérêt réside aussi dans l’évolution de la jeune fille. D’abord pure et innocente, elle acquiert vite l’expérience suffisante pour comprendre comment profiter au mieux de sa situation. Fanny devient une forte femme, intelligente, clairvoyante. Loin d’être une incontrôlable nymphomane (comme les prostitués de Pierre Louÿs par exemple), Fanny ne dédaigne pas le plaisir, mais elle place aussi la vertu au-dessus du vice, ne perdant jamais de vue le fait que ses nombreuses expériences lui ont surtout permis de trouver sa place dans le monde et n’ont pas fait d’elle une débauchée.

Il n’y a rien de glauque dans le récit de Cleland. Les clients sont classe, jamais violents. Même l’adepte du fouet se révèle au final un garçon plutôt gentil. Bien sûr, on est souvent proche d’une certaine forme de caricature, mais je préfère retenir le bonne humeur et la joie de vivre qui traverse le récit. Dans ses deux lettres, Fanny s’attarde, non sans humour, sur les descriptions physiques de ses michetons. Pour ce qui est du passage à l’acte, les choses sont davantage suggérées qu’exprimées dans les moindres détails. Un style très imagé qui m’a beaucoup plu, surtout si l’on y ajoute l’emploi quasi constant d’un passé simple délicieusement désuet : « Comment pûtes-vous m’abandonner ? ».

Bref, je ne suis pas mécontent d’avoir découvert ce grand classique. Voila un roman libertin finalement assez peu émoustillant qui m’a pourtant fait passer un excellent moment de lecture.
jerome60
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le 6 nov. 2012

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