Quel petit délice que ce livre. Vous ne le savez probablement pas, mais un fait me caractérise depuis bien longtemps: j'adore littéralement les régions enneigées de ce monde. Autant le dire, mon rêve ultime serait un exil en Alaska. L'antarctique me frappe de la même façon, et avouons donc qu'un roman se déroulant quasi-intégralement là-bas avait tout pour me plaire.


Et "Mon Dernier Continent" relève d'un succès finalement très compréhensible, tant le livre brille par une simplicité bienvenue. Et c'est très en rapport avec le contexte: on a maintenant la fâcheuse tendance à faire débat de tout sujet. Cela pourrait presque passer pour une qualité, une stimulation intellectuelle, mais c'est malheureusement tout le contraire... Sur les sujets d'importance, on s’appesantit sur de telles pacotilles, à l'appui d'un égo bien souvent peu camouflé à la télévision, qu'on perd le suc de toute conversation contradictoire. On va se prendre la tête sur des détails absolument sans intérêt pour jeter de l'huile sur le feu en s'éloignant petit à petit du coeur de débats. Sans compter l'autre pendant négatif, beaucoup plus catastrophique, de cette époque: la tendance à se scandaliser de tout. De créer le débat où il ne devrait pas y en avoir, parce que cela a froissé la sensibilité ultra-narcissique, sorte de cancer généralisé d'une pseudo-cause intellectuelle, d'un bien-pensant qui n'a jamais quitté son quartier chicos.
"Mon Dernier Continent", c'est la réponse ultime à toutes ces conneries. C'est le trait de simplicité qui a tendance à remettre tout le monde à sa place, à vous extirper de tout ce brouhaha sonore pour vous montrer, en silence, l'état actuel des choses. Parce que oui, ce roman est éminemment écologiste, que oui, il alerte sur bien des phénomènes. Mais il le fait avec tant de sincérité et tant de prescience qu'il rappelle à quel point l'art est utile à l'idée.


On ne nous prend pas de haut. On nous décrit la beauté de l'Antarctique, sa dangerosité blanche, cette espèce d'entité surpuissante qui courbe l'échine, jour après jour, sous l'action de l'homme. Mais qui ne finit jamais par se dévoiler. On nous parle de ses masses, de ses terminaisons; des animaux magnifiques qui la parcourent, de l'eau qui circule dans ses vaisseaux. Et c'est ainsi qu'on l'appréhende: comme un majestueux Titan qu'il convient de protéger, à la fois fragile et dangereux.
Deb et Keller vivent leur amour au-travers du prisme de ces terres inexplorées. Un amour fragmenté, à l'image de ce continent.


Et tout flotte dans une sorte d'atmosphère ouatée, irréelle: on suit, petit chapitre après petit chapitre, l'évolution de Deb sur ces terres glacées. Une évolution qui commence quelques années auparavant, alors qu'elle découvre les manchots et la solitude dans laquelle elle se love avec douceur; et qui finit avec un drame annoncé dès le début du roman.
Son histoire avec Keller est très touchante, tant les deux êtres sont éloignés du schéma idéal du couple. Les comparaisons, très fréquentes, avec les manchots son assez bien trouvées par ailleurs (étaient-ils une inspiration pour ce modèle littéraire du couple?). On sait malheureusement la direction que va prendre cette histoire, et cela rajoute une sorte de tristesse fataliste à l'histoire, qui la teinte automatiquement d'une nostalgie instantanée, d'un coucher de soleil.


Et comme je l'ai déjà dit, c'est la simplicité qui gagne avec ce livre. L'argumentation est brillante car tout simplement portée par l'histoire. Les sentiments sont présentés sans fioriture, avec une candeur et un réalisme bienvenu à cette époque où tout est souvent surjoué, au cinéma comme en littérature.
Alors je vous conseille vivement "Mon Dernier Continent". C'est un livre simple, qui mérité largement votre intérêt tant il aura le satisfaire et vous ouvrir de nouveaux horizons de réflexion.

Wazlib
8
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le 26 févr. 2019

Critique lue 140 fois

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